J’arrive à une conclusion très simple : la vertu essentielle
de la démocratie, le principe de la démocratie au sens de Montesquieu, ce n’est
pas la vertu, c’est l’esprit de compromis.
Raymond
Aron
Raymond Aron ferraillait fréquemment avec les communistes
qui étaient adeptes de la dictature du prolétariat. Pour eux, la politique
relève d’une science (le matérialisme historique) et d’une idéologie (le
matérialisme dialectique) et il ne restait aucune place pour le débat et encore
moins pour le compromis. Dans notre Post d’hier, Aron nous expliquait que la
démocratie était attachée au débat. Aujourd’hui nous faisons avec lui un pas de
plus : derrière le débat, le compromis.
- Qu’est-ce qu’un compromis ? Lisons le TLF :
« Dans une affaire difficile ou
délicate, dans un litige, (le compromis est un) accord obtenu par les
concessions mutuelles des parties en présence. » Autrement dit, le
compromis suppose l’art d’articuler des projets différents dans un tout
cohérent.
Alors pourquoi considère-t-on si souvent que le compromis
soit une capitulation, et qu’il paraisse lié à un défaut plutôt qu’à une
vertu – ne parle-t-on pas alors de compromission ?
Bien sûr, l’idée qui vient à l’esprit est qu’il n’y a qu’un
projet possible et que faire des concessions à l’opposant revienne à renoncer à
un idéal : c’est une capitulation.
Telle devait être l’attitude des marxistes auxquels Aron s’adresse le plus
souvent.
Mais il y a aussi une autre raison qui fait rejeter le
compromis : c’est qu’il correspond à une certaine dynamique du pouvoir dans
la quelle on ne souhaite pas s’engager. Tel gouvernement, parce qu'il ne possède pas la
majorité absolue, est obligé de calculer les voix qui lui manquent et de partir
à la quête de celles-ci, prêt à les payer le prix qu’on lui demandera. (1)
Finalement, le seul compromis vertueux consiste à amender un
projet en fonction des exigences du peuple que l’idée initiale ne prenait pas
en compte. Ça suppose que tous, majorité comme opposition soient à l’écoute du
peuple. Et aussi qu’on admette le principe suivant : En démocratie, il n’y a pas de science politique reconnue : la
seule vérité est celle sur la quelle nous sommes tous tombés d’accord.
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(1) On pense à Theresa May qui pactise avec les Unionistes
protestants d’Irland du nord. Elle sera obligée de faire les concessions
qu’ils exigeront.
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