No man is an island entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the
main;
John
Donne (1624) – Méditation XVII (lire ici)
(Traduction : « Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ;
tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ; si la mer
emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots
avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de
tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie
jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne. »)
Commentaire
I
(Je prendrai trois
vues successives sur ce court poème, dont chacun connaît la fin grâce au livre d’Hemingway, mais qui porte bien d’autres éléments auxquels nous réagirons
spécialement aujourd’hui et les jours suivants.)
- « L’homme est un animal politique » disait
Aristote, suivant en cela le principe grecque selon le quel la Cité n’est pas
seulement un milieu de vie, elle est aussi le terreau dans le quel nous sommes
enracinés et qui nous produit tels que nous sommes. N’oublions pas le mythe des autochtones dans lequel Platon décrit
les premiers athéniens surgissant du sol de la future acropole comme des
plantes qui poussent – raison pour la quelle Socrate pressé par ses amis de
fuir Athènes avant d’y être mis à mort répondait qu’il ne pourrait vivre
ailleurs.
- L’homme est donc enraciné, mais pas n’importe où :
dans un continent et non, comme il apparaît parfois, dans une île.
La métaphore de l’île est intéressante à évoquer : au
fond l’idée est qu’une île n’est pas véritablement séparée du continent :
elle fait partie du continent –
simplement un effondrement l’en a isolé en remplissant une grande vallée par de
mer – un peu comme la Manche séparant l’Angleterre de la France : après
tout l’Angleterre elle n’a pas toujours été une île et peut-être reviendra-t-il
un jour (lors d’une nouvelle glaciation) où elle ne le sera plus !
Le poème de John Donne déploie cette métaphore : tout
homme est lié aux autres de façon souterraine peut-être – mais néanmoins
essentielle. Mais, qu’est-ce qui nous relie ainsi aux autres ? Est-ce une
communauté de besoins, chacun apportant aux autres une petite partie de ce qui
leur est nécessaire et recevant d’eux tout le reste. Mais on peut aussi se dire
que nous sommes liés par la langue (sic), ou par la tradition, ou par la
musique ou par…notre condition humaine : même le plus misérable des hommes,
celui dont la peau n’a pas la même couleur que la mienne, qui ne parle pas la
même langue – celui qui ne prie pas comme les miens le font – oui, même
celui-là, qui n’est pas de la même souche est quand même est aussi issu du même
terreau.
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