Monday, June 12, 2017

Citation du 13 juin 2017

Les nations pauvres, c'est là où le peuple est à son aise ; les nations riches, c'est là où il est ordinairement pauvre.
Destutt de Tracy - 1754-1836 (Elément d’idéologie)

Ce paradoxe, Destutt l’explique simplement : quand on parle de nation riche de qui parle-t-on ? On parle d’un centième de la population qui jouit des richesses du pays, alors que les 99 centièmes sont « abattus par l’oppression et dévorés par la misère ». Quant aux nations « pauvres », il s’agit des pays où les richesses sont également réparties en sorte que chacun puisse en jouir à égalité avec les autres. La richesse apparaît donc comme liée à un différentiel des richesses : il n’y a de pays riche que là où il y a des riches – et qu’importe que derrière eux il y ait une cohorte de misérables, qui « lèvent leurs bras maigres », comme disait Marx, pour demander un travail sous-payé.
De nos jours, l’idée reste cohérente avec la réalité : il n’y a de nations riches que là où le peuple est pauvre – ce que nous constatons tous les jours puisque les pays riches comme les Etats-Unis ou l’Allemagne sont en réalité peuplés de travailleurs pauvres. Chaque matin en se réveillant, monsieur Trump (le « Milliardaire ») a gagné durant la nuit autant que 1500 ouvriers trimant toute la journée (1).
Mais alors, pourquoi la multitude accepte-t-elle de subir ce sort contraire, et de voir ces messieurs-dames dans leur Porsche-Cayenne habiter les beaux quartiers, alors qu’ils sont confinés dans les logements lugubres et se déplacent dans des RER pourris ? Pourquoi acceptent-ils de jouer indéfiniment le rôle du perdant ? Ont-ils comme le suggère La Boétie un penchant pervers pour l’humiliation ? À moins qu’ils ne rêvent jouir des félicités grâce au Loto ?

Oui, n’est-ce pas, tout est dit avec cette image : il faut des riches, et cela pour le bonheur des pauvres ! Je le dis sans cynisme,  car c’est ainsi qu’ils peuvent avoir de quoi rêver (sur cette belle image, voyez la Rolls et surtout le château de La Belle au bois dormant à Disneyland). Ce que La Boétie ne savait pas – mais ce que les siècles suivant la révolution qui a aboli les privilèges nous ont révélé – c’est que le peuple adore les inégalités sociales, à condition de pouvoir en profiter.
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(1) Qu’on excuse l’approximation de ces chiffres : c’est l’idée qui compte.

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