Chaque
civilisation a les ordures qu’elle mérite.
Georges Duhamel – Querelles de famille
Les ordures
déboulèrent de la boîte métallique et churent en trombe dans la poubelle,
coquilles d'œufs, trognons, papiers graisseux, épluchures.
Queneau – Loin Rueil
Alors pour
parler comme Georges Duhamel : quels déchets méritons-nous aujourd’hui, en
2017 ? De vulgaires déchets ménagers comme le dit Queneau ? Si ce
n’était que cela, nous n’y penserions même pas ! Alors, quoi
d’autre ?
Facile,
dirons certains : les cadavres de Smartphone, les emballages cartons, les
bouteilles plastique… Certes. Et alors ? D’ici quelques années on y
trouvera en plus les restes des achats du moment, et nous n’aurons rien de bien
notable à observer.
Non, ce qui
distingue notre époque, ce ne sont pas exactement nos ordures, mais bien les
poubelles dans les quelles nous les précipitons.
Relisons
Queneau : « Les ordures
déboulèrent de la boîte métallique et churent en trombe dans la poubelle » :
notez la vitesse et le mélange : les ordures sont toutes mélangées et
elles passent dans la poubelle à une telle vitesse qu’il serait impossible de
les trier.
- Voilà donc
une première différence : nous considérons aujourd’hui comme méritoire de
trier nos ordures sur place, là où elles sont produites par notre consommation.
Tout français dispose de quatre
poubelles dans sa cuisine : une pour les relief du repas, une pour les
déchets recyclables, une pour les bouteilles de verre et enfin une pour les
compostables, où « trognons de chou et les épluchures », pour parler
comme Queneau finiront leur existence.
Poubelles
multiples donc : voilà non pas ce qui nous déshonore, mais ce qui nous
honore.
Maintenant revenons
sur la vitesse de production des déchets entraperçue chez Queneau : toutefois
il ne s’agit pas du geste qui nous débarrasse du déchet, mais bien de la
production de ces déchets. Tout va plus vite de nos jours, y compris la
production des détritus : entre l’achat d’un produit et le moment où nous
le mettons à la poubelle, le temps écoulé est toujours plus court. Il s’agit
bien sûr de l’emballage, qui est prédécoupé pour que le geste de le jeter soit
facilité (un grand merci aux ingénieurs en emballage) ; mais on pense
aussi aux éléments de fonctionnement de la voiture, de l’ordinateur, de la
télé, qui deviennent obsolètes en moins de temps qu’il n’en faut pour écrire ce
mot compliqué. Et encore, je ne parle pas de « l’obsolescence
programmée » qui est désormais condamnée par la loi.
L’idéal prôné
par les écologistes est que nos déchets se recyclent naturellement sans aucune
intervention technique, un peu comme dans une forêt lorsque les feuilles mortes
deviennent humus sans qu’on intervienne, la nature seule étant à l’œuvre.
Mais on le
voit : ces feuilles mortes qui sont de bienfaisants nutriments dans la
forêt, seraient inopportunes au milieu de notre pelouse. C’est sans doute dans
ce sens qu’il convient d’entendre la phrase de Duhamel : il ne s’agit pas simplement
des déchets qui évoluent avec les procédés de fabrication et de
commercialisation, mais on devrait penser plutôt tous ces produits que nous rejetons
simplement parce qu’ils sont devenus inadmissibles dans notre cycle normal de
notre vie.
Un peu comme les SDF ?
Un peu comme les SDF ?
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