… je tiens impossible de connaître les parties sans
connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître
particulièrement les parties
Pascal
Pensées (Les deux infinis) – Voir citation complète en annexe
Voilà un texte très souvent lu et commenté de Pascal – et en même temps le sujet le plus controversé
à l’origine de la science moderne. Car il s’agit de savoir si la connaissance
des phénomènes naturels est possible, sachant que jamais nous ne parviendrons à
connaître le tout de l’univers. Ici Pascal pose le problème dans les termes
même du mécanisme cher à Descartes : puisque tout dans l’univers résulte
de mouvements opérés par contact, alors il faudrait savoir ce qui se passe à
l’autre extrémité du monde pour comprendre ce qui se passe sous nos yeux.
Moyennant quoi, à l’aide de la métaphore des deux infinis, Pascal affirme que pour l’homme la science absolue
est impossible et que seule la foi nous donnera la vérité. – On sait que
Descartes pensait exactement l’inverse, raison pour la quelle Pascal le jugeait
« intitule et incertain ».
On laissera de côté la question de l’universalité du savoir,
encore que depuis la science ait toujours cherché comme un graal l’équation
ultime récapitulant en elle seule tout le savoir accessible sur la nature
entière. Mais réfléchissons un peu à l’idée qui se dégage du conflit Descartes/Pascal
quant à l’idée de monde. Chez Descartes, pas de secret, pas de mystère. Tout se
passe par « figure et mouvement », un peu comme l’atomisme d’Epicure.
Par contre, Pascal frissonnait le soir à sa fenêtre en
regardant l’insondable immensité du ciel :
Le
silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.
Si un caillou qui tombe obéit aux mêmes lois qu’un corpuscule qui en percute un
autre dans le grand collisionneur du CERN, alors pas de mystère. Mais si ces
lois ne sont pas les mêmes, si elles sont irrémédiablement différentes, alors
la Nature est scindée en deux : celle qui suit les lois relativistes et
celle qui obéit aux principes quantiques. Elles ne parlent pas le même langage,
mais contrairement à ce que pouvait penser Pascal, leurs langages sont
également incompréhensible pour ceux qui, comme nous n’entendent que le bruit
du caillou qui tombe
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Annexe – « Donc, toutes choses étant causées et
causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant
par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus
différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le
tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les
parties »
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