A la langue d'ambre et de verre frottés / Ma femme à la
langue d'hostie poignardée / A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
/ A la langue de pierre incroyable
André
Breton - L'Union Libre
On se rappelle peut-être ce recueil de poèmes du 16ème
intitulé « Blasons anatomiques du corps féminin » (en ligne ici) :
voici qu’André Breton, à son tour, détaille le corps de sa femme toujours en recherchant son essence poétique. On en donne ici un exemple, mais
c’est l’ensemble qu’il faut saisir d’un seul élan.
… Ça ne vous fait pas sursauter ? Peut-être que
quelques autres blasons de la même encre vous conviendraient mieux ? Voyez
par exemple :
Ma
femme aux fesses de grès et d'amiante / Ma femme aux fesses de dos de cygne /
Ma femme aux fesses de printemps / Au sexe de glaïeul / Ma femme au sexe de
placer et d'ornithorynque / Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens / Ma
femme au sexe de miroir
Là : je vous sens un peu plus motivé. Je vous devine,
messieurs, faisant la cour à votre nouvelle conquête et découvrant le premier
soir avec des exclamations ingénues ses « fesses de printemps » et son « sexe de miroir » : la dame va être transportée par la
grâce de votre propos.
o-o-o
Comme d’habitude, ne comptez pas sur moi pour vous fournir
une quelconque « clé » pour déchiffrer ces images. Je sais que vous y
parvenez très bien tout seul, et je n’ai pas l’intention de faire avec vous une
compétition de serrurier. En revanche, je peux quand même dire ce qui me
surprend dans cette lecture.
Et d’abord ceci : Breton qui affectionne si souvent un
langage châtié, recherché, en vrai dandy de la rhétorique qu’il fut, ose ici
de formules très prosaïques (« de
poupée-qui-ouvre-et-qui-ferme-les-yeux » : n’est-ce pas très
lourd ?), voire même carrément gauches (« aux-fesses-de-dos-de-cygne »).
Comme si la précision de l’expression, modelée sur une pensée qui surgit comme
ça, sans être passée par le moule du langage, l’emportait sur l’élégance.
Oui, n’est-ce pas : ce surgissement de l’émotion qui
emporte avec elle des bouts de phrases ou de simples mots, sans même qu’une
élaboration ne soit venue prendre en charge la mise en forme de l’idée, c’est
cela même l’émotion poétique.
Alors, parfois cette émotion devant la beauté de la femme
prend un chemin déjà balisé, un chemin devenu une autoroute pour les
pauvres-en-imagination, qui vont dire : « Chérie, t’es belle comme un
camion ! » Pour eux aucun
espoir, sauf à consommer quelque substance hallucinogène et à se laisser aller.
1 comment:
je ne connaissais pas le blason . merci pour ma gouverne
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