Vous êtes de la merde dans un bas de soie.
Napoléon
s’adresse à Talleyrand, lors du conseil qui devait le juger pour trahison en faveur du Tsar
Alexandre 1er en 1808 (1)
La dureté de l’insulte devrait être comparée à la relative
clémence du jugement. Car Talleyrand aurait pu mourir pendu ou – mieux sans
doute – pourrir dans un cul-de-basse-fosse jusqu’à la fin de ses jours. Au lieu
de cela il est ménagé, preuve sans doute que sa compétence était sans égal.
Maintenant, qu’est-ce qui nous conduit à retenir cette
citation ? Sans doute la grossièreté du mot, non seulement parce qu’il
appartient à un langage populaire, qu’on ne s’attend pas à trouver dans la
bouche de l’Empereur des français, mais aussi parce qu’on évoque sans détour
l’excrément humain, chose la plus vile et la plus repoussante qui soit.
Mais aussi, on est frappé par le réalisme de cette
phrase : car en effet on suppose que monsieur de Talleyrand porte bien des
bas de soie. Et du coup le réalisme devenant contagieux, on pense qu’en effet,
il doit bien aussi être « de la merde ».
Alors, en quoi consiste cette insulte ? On l’a dit, la
« merde », cet excrément répugnant sert à qualifier ce qui choque
tous les sens à qui elle est présentée. Mais surtout il représente la dernière
étape de la déchéance, lorsque tout ce qui pourrait être utile et appréciable a
été retiré, la merde est le déchet ultime, celui après le quel il n’y aura plus
rien de nouveau.
Dire d’un homme qu’il est « de la merde », c’est
dire qu’il est l’être le plus abjecte qui puisse exister, et là est en effet la
plus grande insulte.
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(1) Citation complète : "Vous mériteriez que je
vous brisasse comme un verre, j'en ai le pouvoir mais je vous méprise trop pour
en prendre la peine. Pourquoi ne vous ai-je pas fait pendre aux grilles du
Carrousel ? Mais il en est bien temps encore. Tenez, vous êtes de la merde dans
un bas de soie !" (voir ici)
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