Tuesday, June 20, 2017

Citation du 21 juin 2017

L’été : un éblouissement comme est la neige, / Celle qui vient légère et ne dure pas, / Et rien de nous n’en trouble la lumière / D’eau qui s’est condensée puis s’évapore.
Yves Bonnefoy / Les Planches courbes
Comment dire ces sensations que l’été produit en nous ? S’agit-il de chaleur ? De sons, d’odeurs, de lumière ? Admettons que la lumière de l’été soit particulièrement remarquable. Mais voilà : en quoi ? Yves Bonnefoy nous montre le chemin : la lumière ne se distingue jamais que par ce qu’elle éclaire. Ou plutôt on ne peut différencier la lumière de ce qui se révèle en elle, un peu comme la couleur qui n’existe que par l’aspect particulier de l’objet coloré ( Merleau-Ponty parlait du rouge « laineux » du tapis). Ainsi la lumière de l’été est-elle dorée comme les blés qui luisent au soleil ; ou vibrante comme les poussières du grenier dans un rai de lumière ; ou éblouissante comme… Oui, voilà ce que dit Bonnefoy : « l’été : un éblouissement comme est la neige » ! Je vous laisse lire les vers de Bonnefoy, inutile de les commenter sous peine d’en écraser le sens sous le marteau de l’analyse ; par contre saisir au passage la surprise du lecteur qui se trouve d’un coup confronté à une certaine neige au moment de parler de l’été : oui, ça en vaut la peine.
Le génie est caractérisé dit Kant par le fait qu’il ne nous permet pas de comprendre comment il a pu inventer ce qu’il produit (1). Voilà ce qui confirme que le commentaire des œuvres poétiques laisse s’échapper l’essentiel, en faisant croire que l’enchainement des éléments du poème est tellement rigoureux que n’importe quelle machine correctement programmée, avec tout ce qu’il faut dans sa base de données saurait en faire autant. Non : comparer la lumière d’été à la neige de printemps, voilà ce que personne n’aurait pu anticiper, parce que ça n’est sorti du néant (si l’on peut dire) qu’avec cet éclair de génie du poète.
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(1) Kant – Critique de la faculté de juger, §46. (voir ici)

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

Bel hommage à notre cher ami , à l’été et au génie
Et la philosophie et la psychanalyse peuvent vibrer ensemble
Je vous embrasse françoise à Jean pierre