Wednesday, April 19, 2006

Citation du 19 avril 2006

« Si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits douze heures durant qu’il est roi, je crois qu’il serait presque aussi heureux qu’un roi qui rêverait toutes les nuits douze heures durant qu’il serait artisan. »

Pascal – Les Pensées (Fragment 662 ed. Le Guern)

Le rêve est-il plus beau que la réalité ? La réalité est-elle plus solide que le rêve ? Pascal récuse l’opposition réalité-rêve : ils sont parfaitement équivalents, puisqu’on n’aurait aucune raison de préférer être un artisan qui rêve qu’il est roi que l’inverse. La seule différence est dans la durée : la réalité dure, le rêve passe comme un fugitif : « la vie est un songe un peu moins inconstant. ».

Mais quoi ? La maçon avec ses mains calleuses et son échine brisée par les sacs de ciment, mais qui rêve chaque nuit qu’il couche avec la reine, aurait un destin équivalent à celui du roi qui rêverait (on se demande pourquoi) qu’il a ses blanches mains calleuse et sa royale échine brisée par des sacs de ciment ? Et Pascal, génial souffreteux qui écrit du fond de son lit, pourrait-il rêver qu’il est coiffeur ou boucher, rien que pour dire que son coiffeur ou son boucher ont le même sort que le sien ? Supposons un instant que cela lui arrive : alors je prétends qu’au lieu de souffrir des fatigues du métier il en éprouvera le plaisir, peut-être sans rapport avec la réalité, mais néanmoins parfaitement et authentiquement vécu ; oui, car le rêve au lieu de redoubler inutilement la réalité, nous la donne à vivre sur le mode de la jouissance. Le rêve suit la ligne de crête de la jouissance, il est fait pour cela, même si comme l’admet Freud, s’agissant du refoulement du désir, cette jouissance est durement ressentie lorsqu’elle déjoue la censure.

Et vous même ? Vous prenez vos rêves pour la réalité ? Oui, du moins comme le pensait Descartes la temps que vous rêvez. Mais le contenu du rêve, il n’est pas pétri de ce qui fait le quotidien. Ce contenu est produit par la représentation de l’assouvissement du désir, et c’est justement ce qui explique sa rupture avec le réel.

Vous ne me croyez pas ? Racontez-moi donc vos rêves, bandes de fripons !

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