« Le chèque sans provision est une opération bancaire prévue au Code d'Instruction Criminelle, et c'est justice qu'il soit sévèrement puni. Je serais volontiers partisan d'une identique sévérité à l'égard des provisions sans chèques. L'homme qui thésaurise brise la cadence de la vie en interrompant la circulation monétaire. Il n'en a pas le droit. »
Sacha Guitry - Mémoires d'un tricheur
Là, je dis : Bravo. Voilà un monsieur qui a tout compris, et qui le dit avec netteté : la prison pour excès de frugalité, ça devrait exister. L’homme qui thésaurise (à na pas confondre avec l’investisseur, Marx a écrit des choses définitives là-dessus) « brise la cadence », c’est un trouble fête doublé d’un égoïste, qui se moque éperdument des conséquences qu’aura pour les autres sa parcimonie.
Les sources de cet éloge de la consommation sont à rechercher au XVIIIème siècle, dans la querelle sur le luxe : immoral pour les uns (Rousseau), source de travail, et donc d’honnêtes ressources pour tous, selon les autres (Voltaire par exemple). Bon. Mais nous, en 2006, où en sommes-nous ?
Bien que précurseur, Sacha Guitry est depuis longtemps dépassé. « Le chèque sans provision (…) c'est justice qu'il soit sévèrement puni » : non seulement ce n’est plus vrai mais on vous encourage à en faire. Lisez - si vous en avez le courage - le courrier de votre banquier : il vous dit : « Voici l’encours de votre carte de crédit ; et voilà la somme qui vous reste à dépenser. » Or cette somme vous ne l’avez pas ; c’est une ligne de crédit, et si vous y touchez, alors vous allez savoir ce que c’est qu’un taux usuraire ! Il ne s’agit donc que de vous vendre de l’argent au prix fort et ça s’appelle « crédit revolving » (mais je crois que le nom a été changé tant l’image du revolver évoquait le coup de fusil).
Finalement, Sacha Guitry était un jouisseur naïf : il croyait qu’on ne dépense de l’argent que pour acheter des biens de consommation. En réalité on dépense de l’argent pour acheter de l’argent : ça réduit le circuit de commercial et c’est autant de temps de gagné pour le profit financier. Futés les capitalistes
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