« Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. »
Paul LAFARGUE Le droit à la paresse
Je n’apprendrai rien aux paresseux : Lafargue (socialiste français), plus connu comme ayant été le gendre de Karl Marx, a écrit un « Droit à la paresse » dans les années 1860. Ce pamphlet ironise sur l’exorbitante quantité de travail que réalise la classe ouvrière, présentée comme coupable de ces excès alors que les honnêtes capitalistes s’épuisent à écouler la surproduction qui en résulte.
Ce qu’on oublie en revanche parfois, c’est qu’ici la paresse n’est pas revendiquée comme repos, ni comme vertu faisant pièce à la « morale du travail ». Non, elle est l’espace dégagé pour la consommation. C’est une morale hédoniste, faite de jouissance et de dépense. Le prolétaire doit consommer ce qu’il produit, c’est là que se discerne le progrès de l’humanité. Après, que cela libère l’homme de la bête de somme qu’il a été jusqu’à présent, c’est évident. Mais c’est par l’usage des plaisirs « matérialistes » que l’humanité avancera vers son avenir radieux.
Qu’en pensent aujourd’hui nos penseurs ? Qui donc serait comme dans les années 68-70 près à s’exiler dans le Larzac pour vivre au milieu de ses chèvres sans sa téloche et sans son Palm (ou sa Game-Boy ) ? C’était l’époque où le Club de Rome enflammait l’enthousiasme des citoyens en prônant la croissance Zéro (1). Donc : à bas la société de consommation, le plaisir n’est pas proportionnel aux bien matériels mais à la façon de consommer.
Nul doute que nous serions bien en peine d’argumenter là-dessus. Sauf pour prôner la protection de la planète, mais c’est l’argument hypocrite pas excellence : il suffit en effet d’un progrès technique pour que tout redémarre de plus belle. Vivement la fission atomique : on fabriquera de l’énergie avec de l’eau de mer ; et alors, que la paresse commence !
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