Wednesday, July 11, 2007

Citation du 11 juillet 2007

Doncque, si de parler le pouvoir m'est oté, - Pour moi, j'aime autant perdre aussi l'humanité, - Et changer mon essence en celle d'une bête.

Molière - Le Dépit amoureux (1656)


Et qui est ce sot-là qui ne veut pas que sa femme soit muette? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie! je me garderais bien de la vouloir guérir.

Molière - Le Médecin malgré lui (1666)


L’homme est un animal parlant… La règle du silence dans les monastères est si sévère que bon nombre d’hommes - et de femmes - s’il avaient à choisir, lui préfèreraient celle de la chasteté (il est vrai qu’on leur imposerait les deux).

Et pourtant comme le montre le rapprochement de ces deux citations, à quoi bon parler ? Parler pour ne rien dire, remuer de l’air - flatus vocis (1) - ? Ou parler pour affirmer par l’expression de sa pensée son humanité ?

Il existe des pathologies de la parole. L’une consiste à parler seul, pour tromper sa solitude, pour susciter un interlocuteur fictif. Je la laisserai de côté : l’invention des téléphones cellulaires permet à chacun de trouver une oreille pour y épancher ses propos.

L’autre est ce qu’on appelle la logorrhée, que certains traduisent par « diarrhée verbal » (excusez la formule). Je prendrai ici le terme au sens moins psychiatrique de : pulsion irrépressible de parole, ou de bavardage pathologique.

Je donnerai ici une simple description du sentiment qui me prend en présence de ce dérèglement de la parole (2). Je crois que ces personnes n’écoutent pas leur interlocuteur : il est une oreille, pas une bouche. La parole sert alors de façon paradoxale à entrer en relation avec l’autre et en même temps à s’isoler de lui, en l’empêchant de prendre la parole à son tour. Pour ma part, j’observe que si j’impose une répartie (et c’est bien une forme de lutte), en face de moi c’est l’inquiétude, ou le courroux : je n’étais pas là pour ça.

C’est donc ça qui caractérise la logorrhée, sous sa forme bénigne : son rôle est de créer une forme de rapport à autrui qui, tout en maintenant le contact avec lui, soit en même temps un rapport à sens unique ; lui parler sans l’écouter, et donc parler tout le temps pour ne pas lui laisser la possibilité de placer un mot. Pour lui imposer l’écoute, on lui impose le silence.

Sous cette forme aussi l’exercice de la parole est un exercice du pouvoir.


(1) Flatus vocis

Expression qui littéralement signifie: "un souffle de voix". Elle est composée des substantifs flatus qui veut dire souffle, respiration, haleine et vox (génitif vocis) = voix. On emploie cette expression pour tourner en dérision un propos sans importance. Seul le souffle est perceptible, les mots étant sans grand intérêt pour celui qui les entend et qui les écoute à peine.


(2) Et je confirme avec Molière que je l’ai trouvé plutôt chez des femmes - mais … je n’insiste pas car « il ne me plairait pas d’être battu »…

3 comments:

Mylagan said...

Intéressant. Toutes les femmes ne sont pas de grandes bavardes en effet. Personnellement, je préfère écouter que parler et je serais plutôt du genre "constipée verbale" (mon mari vous le confirmerait) Est-ce grave docteur ? :)

Jean-Pierre Hamel said...

je serais plutôt du genre "constipée verbale"...Est-ce grave docteur ? :)

= "Le Médecin malgré lui" conseillait en pareil cas de prendre du pain trempé dans du vin, car, disait-il, c'est ainsi qu'on fait parler les perroquets.

Mylagan said...

Amusant. Je ne sais pas vraiment comment le prendre mais je prend note.