Ils ne savent pas ce qu'ils perdent / Tous ces fichus calotins
Sans le latin, sans le latin / La messe nous emmerde
Georges Brassens - Tempête dans un bénitier
Georges, si tu étais encore de ce monde, tu pourrais retourner à la messe, même les jours où il ne pleut pas. Grâce soit en rendue au Très Saint Père, qui par un décret (motu proprio) autorise les fidèles à demander à leur prêtre de célébrer la messe en latin selon le rite issu du Concile de Trente au XVI siècle… (rite « tridentin » : plus de détail ici)
Mais qu’est-ce que ça peut nous faire, à nous aujourd’hui ? Il n’y a que les Juifs pour s’en émouvoir, parce qu’il paraît qu’on pourrait, toujours suivant la remise en vigueur des rites tridentins, prier tous les vendredis saint pour qu’ils se convertissent au catholicisme. Quel fichu caractère…
Mais soyons un peu sérieux. Le latin est une langue dont l’usage ne manque pas d’intérêt : langue sacrée, ou langue scientifique, elle a eu une diffusion exemplaire jusqu’au XXème siècle.
1 - Langue de la religion catholique, elle fut le lien de cette communauté humaine composée de peuples parlant différents idiomes et qui ne se seraient pas compris sans elle.
2 - Moyen de communiquer, le latin est en même temps la langue du pouvoir. Une langue : un pouvoir absolu : celui du Vatican; plusieurs langues = langues nationales = des prises de décision nationales. Quand Martin Luther a supprimé l’usage du latin à la messe - au profit donc des langues nationales - il a en même temps refusé le pouvoir centralisé incarné par le Pape.
3 - Mais surtout, la latin a été une langue savante (entendez : la langue utilisée par les savants). On se rappelle des médecins de Molière, mais plus proche de nous, quelqu’un comme Bergson a encore rédigé sa thèse complémentaire en latin (1) : à la communauté des savants, le latin apportait là encore une langue commune.
Alors certes, l’anglais fait ça très bien aujourd’hui. Mais le latin est une langue morte, c’est à dire que chacun de ses mots n’ayant pas d’usage courant, ne peut avoir d’autre sens que celui qui sera fixé par l’usage savant. Voyez par exemple combien nous avons du mal à comprendre la notion de force en physique, parce que nous sommes sollicité par le sens courant. Par contre si nous employions le terme d’impetus, alors nous serions débarrassé de la pollution par les gros biceps.
Seulement, voilà : ce qui favorise la communication du savoir dans un cercle d’érudits, empêche sa diffusion à l’extérieur.
1637 : ça vous dit quelque chose ? Non, ce n’est pas une marque de bière, bande d’ignares ! C’est l’année de la publication du premier ouvrage scientifique en français (langue vulgaire). Et cet ouvrage, c’est le Discours de la méthode. Et pourquoi Descartes publie-t-il en français ? Pour être lu et donc compris de tous - même des femmes.
Me tapez pas, c’est lui qui l’a dit.
(1) La thèse de Bergson en latin date de 1889 ; elle porte sur la notion aristotélicienne de lieu .
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