Bénie soit la Providence qui a donné à chacun un joujou: la poupée à l'enfant, l'enfant à la femme, la femme à l'homme, et l'homme au diable.
Victor Hugo - Marie Tudor (1833), I, 2
La fatalité, la providence : quelle différence ? Aucune et pourtant nous avons l’habitude de classer la fatalité dans les causes de malheur et la providence dans celles de la bonne chance.
Victor Hugo est un peu plus rigoureux : la Providence c’est ce qui met de l’ordre dans la Création, et pas n’importe quel ordre. Il s’agit de l’ordre des fonctions. Que chaque chose créée ait une fonction par rapport à un autre élément créé, de sorte que se construise ainsi une pyramide dont chaque étage soit nécessaire pour l’existence de l’étage supérieur. Ainsi on a le triple avantage que :
1 - L’ensemble soit autosuffisant ;
2 - Que tout ayant une fonction ait un sens ;
3 - Que l’homme, placé au sommet de la pyramide puisse tirer avantage de la Création toute entière sans avoir à s’en justifier.
Encore que ce soit difficile à avaler, je passerai sur le fait qu’une telle conception nous oblige à bénir n’importe quoi, y compris que « l'enfant [soit le joujou de] la femme, la femme [celui de] l'homme, et l'homme [celui du] diable » (1).
En revanche, on a toujours eu quelques difficultés (et déjà au 17ème siècle) à admettre que tout ait un sens en raison d’un bénéfice apporté à la création - et plus encore à l’homme. Car disait-on, lorsqu’il pleut sur la mer, alors que d’effroyables et arides déserts font d’épouvantables conditions d’existence pour les peuples qui y vivent, comment la Providence peut-elle justifier cela ? Plus tard, avec le tremblement de terre de Lisbonne, la même question est réapparue (voir Post du 12 février 2006).
Mais le 3ème point, peut-être plus actuel pour nous qui voulons protéger la planète de nos industries, devrait retenir notre attention. On a dit bien des fois que les peuples « premiers », du fait de leur animisme étaient dans une attitude de respect vis-à-vis de la nature, et que, lorsqu’ils tuaient un animal pour vivre, ils ne manquaient pas de faire une offrande - à la nature, au Totem symbolisé par cet animal - pour compenser la perte qu’ils venaient de lui occasionner. Voyez la différence avec la conception « providentielle » (= providentialiste) : l’homme a le droit d’exploiter la nature car non seulement elle lui a été donnée par Dieu, mais encore parce qu’il lui est supérieur : c’est pour lui qu’elle existe.
Pour sauver la Planète, ensauvageons-nous !
(1) Victor n’est pas sérieux. La femme n’est pas la jouet de l’homme mais son auxiliaire, comme le prouve le texte de la Genèse :
2.20 Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.
2.21 Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place.
2.22 L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
Si vous n’êtes pas encore content(e) avec cette nuance, vous connaissez l’Auteur ? C’est à Lui que vous devez vous plaindre.
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