Wednesday, July 25, 2007

Citation du 26 juillet 2007

De grâce, monsieur le bourreau, encore un petit moment.
Jeanne Du Barry - Lors de son exécution le 8 décembre 1793
Ancienne prostituée, on a dit que la future comtesse Du Barry avait racolé sur tous les ponts de Paris avant de parvenir à la couche royale et de refiler la vérole à Louis XV : les auteurs des "histoires d’amour de l’histoire de France" en ont fait leurs choux gras et ils n’étaient pas les premiers. Faudrait-il revenir sur le jugement sévère qu’on porte sur ces « historiens » qui se bornent à conter des histoires au lieu de donner à comprendre la vie et l’évolution de notre société à travers le temps ?
Pourtant l’histoire pitoyable de madame Du Barry s’humiliant devant son bourreau pour «un petit moment » de vie en plus, a tellement choqué, a tellement ému, qu’on se dit qu’il ne s’agit pas seulement de la petite histoire.
Pourquoi mépriser madame Du Barry ? Lui fallait-il, en plus de mourir, mourir héroïquement ? D’où provient l’émoi qu’elle suscite lorsqu’on l’imagine, frêle oiseau, entre les mains de Samson ? Se représenter la mort comme imminente, ou simplement « certaine » - entendez : celle dont le moment est daté avec certitude - c’est un moment de vérité qui nous parle de nous tout autant qu’il nous parle de la duchesse.
Ni le soleil, ni la mort ne peuvent se regarder en face disait La Rochefoucauld. Et sans doute on contestera cette sentence au nom de la « belle mort », qu’au XVIIème siècle justement, on considérait comme l’issue d’une lente et inexorable agonie au cours de la quelle, voyant la mort venir, le moribond avait le temps de demander à Dieu pardon pour ses péchés. Non, La Rochefoucauld n’en a cure : mourir, c’est s’anéantir, et personne ne peut se représenter le néant (1), sauf à se dire qu’il s’agit de la négation de nous-mêmes. Les orientaux ont résolu ce problème en niant la personne : dès cette vie, nous sommes tous sous le voile de Maya (Post du 25 septembre 2006) ; revenir au brasier dont nous ne sommes qu’une étincelle, voilà qui rend la mort très supportable.
Mais madame Du Barry n’était qu’une coquette. Elle a peur de la mort par narcissisme.
Et nous ?
(1) Là dessus voir Heidegger. (Post du 19 août 2006)

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