Thursday, September 17, 2009

Citation du 18 septembre 2009

Le langage est un ensemble de citations.

Jorge Luis Borges – Le livre de sable

Si on n’est pas très étonné de rencontrer cette phrase sous la plume de Borges, on hésitera peut-être un peu à la généraliser à tout usage du langage.

Ne faisons-nous que nous répéter les uns les autres, au risque de ne plus rien signifier du tout ? Sommes-nous livrés en permanence à ces conversations de coin de rue dans les quelles chacun tient des propos si convenus qu’on pourrait les écrire à l’avance, l’important étant simplement de se parler ? (1)

On comprendra bien sûr que Borges ne parle pas simplement de cela, mais qu’il renvoie aussi à cette fonction de la communication de ne se laisser comprendre que grâce à un contexte commun, établi par l’histoire de la langue et de la culture. D’où la difficulté de saisir un message dont le contexte appartient à un domaine culturel que nous n’approchons pas (2).

Toutefois, je n'irai pas jusqu'à croire que la phrase de Borges soit toujours vérifiée.

J’ai lu quelque part que tout roman – et par delà tout écrit un tant soi peu innovant – doit être considéré comme étant écrit dans une langue étrangère. Combien de temps vous faut-il pour « entrer » dans un roman ? 20 pages ? 50 ? Les lecteurs qui ont pour tâche de lire les manuscrits envoyés chez les éditeurs pour les sélectionner se vantent de pouvoir faire un choix au bout de deux pages.

« Longtemps je me suis couché de bonne heure… » (3) Quand Gide, lecteur chez Gallimard, a lu cette première phrase du manuscrit de la Recherche du temps perdu, il a rejeté le bouquin ; il faut dire que suivaient 50 pages racontant l’insomnie du petit Marcel…

Le langage est un ensemble de citations, soit. A condition d’admettre que ce que nous citons, ce n’est pas ce que colporte notre voisine, mais aussi les images et les significations crées par les poètes.


(1) Un peu comme les personnages de La Cantatrice chauve de Ionesco qui se renvoient des lieux communs qui, mis bout à bout, sont absurdes, mais qui ont le mérite – et c’est là semble-t-il leur seule utilité – d’entretenir la communication.

(2) Les élèves qui débutent en philosophie font l’expérience de ces textes auxquels ils ne comprennent rien, bien que composés de mots qui, en apparence, font partie du langage le plus commun. Des textes écrits dans un langage dans le quel les mots « essence » et « accident » ne font pas référence au vocabulaire du chauffeur routier.

(3) Si vous voulez en plus la première page : ici

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