C’est le loisir qui enfante la philosophie.
Hobbes - Léviathan (1651), IV, 46
C’est le loisir [traduction préférable à l’oisiveté] qui enfante la philosophie : c’est avec des formules comme celles-là qu’on a dénigré la philosophie et considéré les philosophes comme des parasites de la société. Mais il suffit de lire le paragraphe que Hobbes consacre à la naissance de la philosophie pour comprendre qu’il n’en est rien.
En apparence, Hobbes reprend ici la formule présente déjà chez Platon : il faut être libre de la nécessité du travail – et non esclave – pour pouvoir philosopher.
En réalité, Hobbes fait de la philosophie un travail à part entière, les philosophes étant simplement des savants libérés du souci de produire leur subsistance. Au fond il fait référence à la division du travail.
Avoir le loisir de philosopher, c’est avoir du temps à consacrer à des études qui ne produisent rien de matériel – rien qui ait des effets sur la production matérielle. Il est évident que Hobbes ne fait dans ce texte aucune différence entre le géomètre, le philosophe et peut-être même le physicien.
Selon lui, pour philosopher, il faut avoir du loisir, et pour avoir du loisir il faut vivre dans une grande république capable d’assurer la paix et la tranquillité de ses citoyens – et capable aussi de produire les biens de consommation que certains vont consommer sans les avoir produits.
Mais pour en arriver là, il faut avoir accumulé bien des richesses et bien des pouvoirs, et donc avoir triomphé par la guerre des autres cités concurrentes (1).
Autrement dit, le cas de la philosophie illustre l’opposition entre Hobbes, qui voit dans le développement des richesses une source le Civilisation, et Rousseau qui y voit celui de la barbarie. (2)
(1) Contrairement à ce que nous observons aujourd’hui, Hobbes estime que l’accumulation du capital s'est faite à l'origine par la guerre.
(2) Pour Rousseau, la philosophie elle-même, par le privilège qu’elle accorde à la raison, est source de barbarie
No comments:
Post a Comment