Grippe 1
Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. [C’est l’image de la condition des hommes]
Pascal – Pensée fragment 405 Le Guern (199 Brunschvicg)
Il faudrait nous comparer à un condamné à mort qui se prépare bravement au dernier supplice, qui met tous ses soins à faire belle figure sur l'échafaud et qui, entre-temps, est enlevé par une épidémie de grippe espagnole.
Jean-Paul Sartre - L'Etre et le Néant
L’héroïsme comme alternative au désespoir, ridiculisé par Sartre avec l’absurde mort de la grippe (1). Mort absurde parce que mort sans signification propre, mort accidentelle, mort facultative, que personne – pas même nos ennemis si nous en avons – n’ont voulue.
…Tout le monde ricane devant la pandémie de grippe… Même pas peur !
Mais attendez… Quelque morts plus loin, on va s’indigner : Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait ?
Et que vont dire les prêtres (sans parler bien sûr des Evangélistes pour qui la guérison miraculeuse est pain quotidien) ?
- Cette épidémie est la colère de Dieu (Dies irae), ce virus est son bras armé, préparez-vous à l’affronter et à vous présenter devant votre Créateur !
Mais non, je blague… Comme on vient de le voir avec Sartre, nous sommes si habitués à l’absence signification de la maladie, qu’on ne risque pas ce genre de propos, même devant une épidémie carabinée. Cette grippe obéit aux lois socio-économiques qui gèrent les déplacements et les rencontres des gens ; elle obéit à la sensibilité du virus au climat ; ses effets dépendent de notre âge, de notre passé médical, etc…
Bref, nous comptons plus sur le vaccin que sur les prières, parce que la maladie n’a pas de sens et donc qu’elle ne répond à aucune volonté qu’on pourrait infléchir.
Mais en réalité, cette attitude est bien plus ancienne qu’on en le croit. Qu’on se rappelle l’époque des épidémies de peste. Les uns, certes disaient qu’elle était voulue par Dieu pour punir les hommes.
Les autres – des pragmatiques ceux-là – disaient qu’une paire de bottes était la meilleure prévention contre la maladie (2).
Grippe A : 3 préventions possibles :
- se faire vacciner
- se confesser et faite acte de contrition ;
- se réfugier en Lozère.
(1) Rappelons qu’entre 1918 et 1919, la grippe espagnole a fait bien plus de morts que la Grande Guerre qui venait de s’achever (on cite le chiffre de 60 millions pour une population humaine d’un milliard).
(2) A ne lire que par ceux qui restent interloqués : une paire de bottes pour fuir la zone pestiférée.
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