Un jour, Nathalie Sarraute m'a écrit dans une lettre que les mots ne peuvent pas pénétrer dans la peinture. Je suis d'accord avec elle... Du reste, si la peinture était une affaire de sens à dire, quand ce sens est passé, on pourrait mettre l'oeuvre à la poubelle, non ? Comme un télégramme qui a été lu... Quelquefois, on pourrait vraiment le faire, il est vrai.
Pierre Soulages – Interview publié dans le Monde daté du 15-10-2009
On peut débattre à perte de vue sur les qualités de telle ou telle œuvre d’art, mais devrait tomber d’accord sur les principes qui en régissent l’existence, ceux qui permettent de la classer – ou non – parmi les œuvres d’art.
Disons-le autrement : on devrait tous reconnaître certains critères qui définissent l’œuvre d’art ; ensuite on peut se diviser pour savoir jusqu’à quel point telle ou telle œuvre y satisfait.
J’ai eu la satisfaction – un peu orgueilleuse je l’avoue – de lire dans cet interview de Soulages (1), publiée par le Monde, exactement cette idée que je ne cesse de répéter : pour savoir si une œuvre est une œuvre d’art, il suffit de la détruire et de faire le constat de ce que nous avons perdu.
Déjà, un iconoclaste (Pinoncelli – voir une intéressante vidéo ici) avait il y a quelque temps endommagé un des urinoirs de Duchamp, pour plaider au procès que ce n’était rien de plus qu’un urinoir et non une œuvre d’art (2). Sont ainsi remises en cause les œuvres qui n’ont d’autre intérêt que d’exciter la verve des critiques d’art et des groupies de l’artiste.
Je tiens à remarquer que si Soulages a raison, – et je pense que c’est le cas – il faut malgré tout dire aussi que l’œuvre d’art est ce qui suscite le commentaire, ce dont on peut dire quelque chose.
Simplement, ce quelque chose n’épuisera jamais le contenu de l’œuvre, pour la bonne raison que celle-ci doit, si elle est en effet de l’art, nous ouvrir des perspectives sans cesse renouvelées.
(1) Dont une exposition importante s’ouvre ces jours-ci au Centre Pompidou
(2) Il a aussi prétendu que c’était une performance d’artiste dadaïste… De toute façon, la facture de remise en état qu’on l’a condamné à payer (14652 euros) semblait démontrer que c’était une irremplaçable œuvre d’art.
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