S’offrir quand tout se vend.
Miss.Tic – Siné Hebdo – Août 2009
Comment échapper à la société marchande et à l’inéluctable logique de l’échange et du profit ?
Réponse : c’est le don et lui seul qui peut casser cette abominable nécessité.
Mais on sait que le don est en général suspect d’être en réalité un échange suspendu – ou différé. Je donne pour recevoir.
Comment échapper à ce soupçon ?
La réponse est très simple : offrir ce qui ne peut absolument pas se vendre, parce qu’aucune contre partie n’est pensable. C’est donc s’offrir soi-même, faire don de soi. Si se donner soi-même était un échange, alors contre quoi est-ce que je m’échangerais ? Rousseau l’a dit : se vendre dans la totalité de son être, c’est se faire esclave et c’est un marché de dupe parce que rien ne peut compenser ce qu’on fournit en se faisant esclave d’autrui (1).
Attention : s’offrir, c’est un acte total, qui ne se rencontre dans l’amour ou dans l’union mystique, quelque chose de très absolu. Si j’offre mon corps, en supposant par là qu’il y a un résidu qui est mon âme et que je conserve dans mon intimité, alors je reste dans l’échange. Je te donne du plaisir à condition que tu m’offres en échange de la jouissance – sinon de l’argent, ou la sécurité, ou une famille avec enfants, chien et belle-mère….
Voilà donc le message : seul l’amour est résolument anarchiste et c’est pour ça qu’il a droit à sa page dans Siné-Hebdo.
Maintenant, tout n’est peut-être pas si simple. Même si on laisse de côté le soupçon qui plane sur la réalité du don amoureux (la jalousie, n’est-ce pas, suppose qu’on réclame un droit sur l’autre en contre partie), il reste à trouver celui qui va accepter ce don, avec l’écrasante responsabilité qui l’accompagne.
Et si c’était plus facile d’aimer que d’être aimé ?
(1) Rousseau (Contrat social – I, 3)
Il est vrai que dans le même chapitre il considère que le fait de se donner est l’acte d’un fou. L’amour serait donc folie ?
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