Montrer de la colère ou de la haine dans ses paroles ou dans ses traits est inutile, est dangereux, imprudent, ridicule, vulgaire. On ne doit donc témoigner de colère ou de haine que par des actes. La seconde manière réussira d'autant plus sûrement qu'on se sera mieux gardé de la première. Les animaux à sang froid sont les seuls venimeux.
Schopenhauer – Aphorismes sur la sagesse dans la vie
Qu’est-ce qu’il veut dire, Schopenhauer ? Qu’il vaut mieux étrangler son insupportable voisin plutôt que de piquer une crise d’hystérie à chaque fois qu’on le voit ?
C’est sûr qu’on ne peut espérer plus radical. Mais est-ce bien raisonnable ?
En tout cas, je remarque que la colère est une passion qui se manifeste aussi dans le monde animal – pour autant qu’on puisse extrapoler à partir des ressemblances avec notre espèce. On pourrait même dire que plus l’espèce est élevée dans la hiérarchie de l’évolution, plus la colère s’y manifeste avec éloquence. Voyez les singes, chez qui la colère est un procédé d’intimidation. Voyez aussi nos gentils animaux de compagnie, les chiens, les chats. Leur colère s’exprime par des procédés très spécifiques et très remarquables.
Dans le monde animal, la colère joue, n’en doutons pas, un rôle pour la conservation de l’espèce : elle est adaptative. D’ailleurs, la colère est gouvernée par la sécrétion de l’adrénaline qui dans le même temps met l’organisme en état de surélever ses performances.
Alors, bien sûr, Schopenhauer ne condamne pas la colère, il condamne seulement son expression.
Mais là encore, le monde animal regorge d’exemples où l’on voit que l’affichage de la colère a pour fonction d’intimider l’adversaire, et donc de dispenser d’un affrontement dangereux.
L’homme en fait volontiers autant, et tant pis si c’est vulgaire.
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