Il est plus facile de légaliser certaines choses que de les légitimer.
Chamfort – Maximes
et pensées
C’est de temps en temps la pensée qui nous vient à l’esprit,
quand on parle de légaliser l’usage du cannabis.
Et en effet beaucoup considèrent que légaliser la vente de
cette drogue est une facilité dangereuse parce qu’elle revient à « baisser
les bras » devant la difficulté de lutter contre sa consommation qu’ils considèrent
comme un danger potentiel : on ne devrait donc jamais en légaliser la
vente. Leur principe est simple : ce qui est illégitime ne doit jamais
être légal.
On objecte : la loi répressive est sans effet sur la consommation et en plus elle entraine des trafics qui prospèrent uniquement parce qu’ils sont
lucratifs. De ce fait, les trafiquants eux-mêmes devraient vouloir que la loi
répressive continue d’exister car c’est là l’origine de leurs bénéfices.
Toutefois, si l’on acceptait de discuter le principe qui
exclut toute légalisation de ce qui est illégitime, alors on se poserait cette
question : qu’est-ce qui est le plus pernicieux : interdire la
consommation et le commerce de cette drogue, ou bien en nourrir le trafic par
des lois répressives ?
--> C’est ici qu’on pourrait reprendre l’idée de
Chamfort : à l’inverse du principe évoqué ci-dessus, disons qu’on peut légaliser sans légitimer. Rien
ne légitime la consommation de
drogue, mais la loi peut en légaliser
le commerce : ce n’est pas parce qu’il n’est pas légitime de boire de
l’alcool ou de fumer du tabac (en raison de leurs méfaits) qu’on doit interdire
d’en consommer. La prohibition de l’alcool aux USA de 1919 à 1933 (1) en a
montré amplement les inconvénients.
Au fond si on a du mal à penser la solution, du moins
peut-on penser le problème : il ne se trouve pas seulement dans le cadre juridique
mais aussi dans celui de l’éthique, plus exactement dans l’opposition
wébérienne entre l’éthique de la
conviction et l’éthique de la
responsabilité (2).
On peut regretter qu’il y ait parfois contradiction entre
les principes de l’action et l’action elle-même. Mais on sait depuis longtemps
qu’il en va ainsi.
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(1) Dans les Etats « secs » cf. ici
(2) « Weber distingue deux éthiques de l’action
politique, l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité : ceux qui
agissent selon une éthique de conviction sont certains d’eux-mêmes et agissent
doctrinalement (…) alors que l’éthique de responsabilité repose sur
l’acceptation de répondre des conséquences de ses actes…» (Art. Wikipédia: voir ici – et le texte de Max Weber ici)
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