A Hollywood, on traite les acteurs comme des meubles dont
la valeur est calculée sur l'argent qu'ils rapportent aux autres. Pour moi,
c'est la meilleure définition de la prostitution.
Linda Fiorentino
[Actrice] Libération - 29 Novembre 1995
Remplacez « acteur »
par footballeur, et « Hollywood »
par Qatar, et vous aurez la réponse à la question : est-il normal de payer
si cher des footballeurs comme Beckham, Messi, Ronaldo ?
C’est qu’en effet on tient uniquement compte du « retour
sur investissement » : plus ça rapporte et plus ça coûte. Normal :
tout ça on le sait bien, inutile d’insister.
Oui, mais notre citation ajoute aussitôt : c'est la meilleure définition de la
prostitution. Là on sursaute. Le
footballeur se loue au propriétaire du club : faut-il donc admettre que ça le définit comme
une prostituée; que son corps est devenu un objet dont on
tire parti et qu’on jette quand il est usé ?
Et alors ? Où est le problème ? Admettons donc
qu’on ait affaire à un rapport marchand : chacun devrait être gagnant si
le contrat a été honnête. N’importe quel employé de n’importe quelle entreprise
doit pouvoir vivre dignement avec son salaire – le quel lui est versé
uniquement si son travail engendre un profit.
La société quelle qu’elle soit est bâtie sur
l’échange : je te donne si tu me donnes, et voilà tout : quoi de plus
normal ?
Normal ? Ce que notre Citation-du-jour ajoute, c’est que le profit est la limite de cet
échange : je ne suis intéressant qu’autant qu’on peut tirer du profit de
moi. Sinon, je peux crever – comme la vieille putain dont personne ne veut
plus ; comme le sportif devenu hors
d’âge ; comme le chômeur dont les bras ne servent plus à rien.
Et ça, c’est ce que le libéralisme contemporain cherche à
établir un peu partout, y compris dans le service du public qui pourtant devrait
exclure ces rapports de profit.
Service du public… Voilà l’idée ! Les fonctionnaires
ne sont pas des prostitués, parce qu’ils n’engendrent aucun profit.
Et on prétendrait le leur reprocher ?
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