Thursday, September 05, 2013

Citation du 6 septembre 2013



Par ce coup la bataille est gagnée. /  Les Francs s’écrient : « Dieu a fait un miracle. / Il est bien juste que Ganelon soit pendu, / et ses parents qui ont été ses garants. »
La Chanson de Roland – Laisse 286 (vers 3930-3934)
Dans cette citation, on reconnait le jugement de Dieu ou duel judiciaire, parfois nommé ordalie : il s’agit d’un affrontement entre deux adversaires pour savoir de quel du côté est la Justice – Dieu étant supposé donner la victoire au Juste. Dans la Chanson de Roland, c’est Thierry, le héros de Charlemagne, qui parvient à vaincre Pinabel qui combat pour Ganelon. Dieu ayant choisi de donner la victoire à Thierry, Ganelon sera non pas pendu mais écartelé, et ses parents seront pendus.
On a peine à croire qu’une telle façon de rendre la justice ait pu exister – et pourtant, on peut encore en retrouver la trace. Même aujourd’hui, l’ordalie judiciaire existe encore bel et bien sous une forme dérivée et là où on ne l’attendrait certes pas : je veux parler de l’épreuve du pénalty au football – non pas les tirs au but pour départager les équipes exæquos, mais bien ce tir effectué par un joueur seul face au gardien lorsqu’il y a eu faute. (1)
On observera donc que, comme pour le duel judiciaire, il s’agit bien d’un affrontement d’homme à homme dont le résultat n’est pas acquis à l’avance. Et c’est cela qui signe l’appartenance du pénalty à l’ordalie : en effet, si la faute a bien eu lieu, pourquoi l’arbitre n’infligerait-il pas directement à l’équipe responsable un but de pénalité (un peu comme un sprinter au 100 m est disqualifié après deux faux départs) ? Si le pénalty est raté, la faute ne sera pas sanctionnée, comme si une puissance supérieure disait : « Allons ! La faute n’existe plus ! ».
Objection : si on siffle un joueur pour avoir fauché un attaquant dans la surface de réparation,  le pénalty replace les joueurs dans la situation où ils étaient avant la faute : un attaquant face à un défenseur. Dans ce cas, le pénalty servirait à remonter le temps. Toutes fois bien d’autres fautes peuvent entrainer cette sanction sans qu’on observe la même intention ; et on dirait sans doute la même chose avec les coups de pieds de pénalité au rugby.
En conséquence : si le pénalty est une ordalie, alors il existe un Dieu du football. Y a-t-il d’autres occasions pour Lui de se manifester ?
Et en effet, l’ordalie footballistique n’est pas la seule occasion où Dieu intervient dans le match. On pense bien sûr au but marqué de la main par Maradona en 1986, qualifié par son auteur de main de Dieu. Il faut comprendre que Dieu était là, et que c’est Lui qui a animé la main du footballeur dans cette action : Dieu était donc sur la pelouse au côté des argentins, comme il était au côté des Francs contre les Sarrasins, ou au côté des Achéens sous les remparts de Troie. 
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(1) Je laisse de côté la conduite ordalique chez les adolescents, correspondant la prise de risque qui est un défi à la Mort : à ce sujet, voir cette intéressante analyse.

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