La démocratie, c'est aussi le droit institutionnel de
dire des bêtises.
François Mitterrand
1 – Il existe un
droit institutionnel de dire des bêtises, du moins dans la sphère
politique, là où règne la démocratie.
On le sait depuis le 18ème siècle : pour
obtenir un régime politique juste et fécond, l’alternative est entre le
despotisme éclairé et la démocratie. Le premier étant caractérisé par la
science, le second l’est par l’opinion et donc par la possibilité de dire des bêtises. Possibilité qui
doit être garantie institutionnellement
pour résister aux assauts du despotisme, en l’occurrence : la certitude
scientifique.
2 – Pourquoi préférer la démocratie qui dit des bêtises
au régime du despotisme éclairé genre Frédéric II de Prusse ? La
seule raison qui vienne à l’esprit est bien sûr que la science politique
n’existe pas, et que la rationalité politique qui en tient lieu peut elle aussi
non seulement dire des bêtises, mais aussi en faire puisqu’on suppose qu’elle
détient le pouvoir par droit despotique.
3 – On arrive ainsi à la distinction entre dire et
faire : il est plus grave de faire des bêtises que d’en dire, et c’est
évident, puisqu’en politique ce sont les actes qu’il faut considérer, pas les
mots.
Oui, mais : comment empêcher celui qui dit des bêtises
de les faire ?
4 – Le principe est le suivant : on ne peut éviter de faire des bêtises qu’à
la condition de pouvoir en dire. Et
non pas seulement parce que la parole est un exutoire qui libère les tensions
politiques et rend plus facile d’adoption des bonnes décisions, mais aussi
parce que le débat met en compétition des opinions dont aucune ne peut se
prévaloir de détenir la vérité absolue, celle-ci résultant de la négociation
entre les partenaires-citoyens. Rien ne peut garantir que la bêtise soit exclue
des décisions prises à la majorité – rien sauf précisément le débat.
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