Laissons au tendre amour la jeunesse en partage, / La sagesse a son temps, il ne vient que trop tôt ; / Ce n'est pas être sage, / D'être plus sage qu'il ne faut.
Quinault – Armide
et Renaud, tragédie lyrique (acte II, scène IV) (1686)
Ce n'est pas être
sage, / D'être plus sage qu'il ne faut : la vertu, c’est bon pour les
vieux – d’où le conseil : attendons d’être bien vieux pour être sage. Du
coup, on doit avouer que la sagesse porte en elle-même sa propre limite : c’est
être sage que de ne pas l’être avant l’heure – disons-le plus abruptement :
y a des moments de la vie où il est sage de ne pas l’être.
Et que fait-on quand on n’est pas plus sage qu’il ne
convient ? On fait l’amour – Voilà.
Oui, voilà… des propos bien scandaleux et qu’on croirait
sortis de la bouche de débauchés cyniques, cherchant à humilier la
bien-pensance en reversant les rôles : les fous ce sont ceux qui au nom de
la vertu se privent de ce qui pourrait faire leur bonheur.
Mais surtout, nous voilà confrontés à une idée assez
curieuse : on peut être plus sage
qu’il ne faut, autrement dit, il y a des degrés dans la sagesse, et la
sagesse véritable réside (d’ailleurs comme toutes les vertus) dans la juste
mesure. Ce n’est donc pas la sagesse qui est opposée à elle-même, mais le
comportement qui la caractérise. Si nous supposons (comme on le laissait
entendre récemment) que la chasteté est la condition de la sagesse, on arrive
en effet à une telle
contradiction : car il faut savoir ne pas être chaste au moment opportun –
celui de la jeunesse.
Alors, peut-on croire qu’être sage quand on est jeune,
c’est courir derrière les jupons qui passent et les trousser dans les
fourrés ? Et si il faut répondre « oui » à cette question, comment définir cette sagesse ?
On peut répondre sans doute de diverses façons. Pour ma
part je considérerai qu’on a affaire à une morale stoïcienne : la vertu
consiste à suivre l’ordre de la nature – Sachons nous conformer à la
destination qu’elle nous donne : les jeunes sont destinés à l’amour, telle
est leur raison d’être. Ni pour travailler, ni pour faire la guerre, mais pour
copuler.
Je devine qu’il y a encore aujourd’hui beaucoup de
disciples pour cette philosophie.
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