Pour qu'il y ait passion, il faut que
l'union soit brutale, que l'un des corps soit très avide de ce dont il est
privé et que l'autre possède en très grande quantité.
Boris
Vian – L'herbe rouge
Passion = union brutale
Union brutale = acte sexuel. C’est ce que
suggère cette citation, et mise à part la réduction de la passion à la
sexualité, rien de plus à dire ?
Je trouve qu’un singulier parallèle est
fait ici entre la sexualité et l’échange. En effet, pas de sexe sans ce besoin
chez l’un et cette ressource pléthorique chez l’autre. De tout temps, l’échange
a supposé cette condition : que des villageois de la montagne aient faim
et que les pécheurs de la côte aient du poisson en surabondance, et voilà un
commerce qui s’organise.
Seulement voilà : le parallèle avec le
sexe blesse un peu. Que le besoin sexuel soit un manque du sexe de l’autre,
soit. Mais que l’autre ait comme un bien
abondant le sexe désiré, là ça ne colle plus ! Cette belle jeune fille
à la chevelure brillante, au corsage gonflé de promesses, à la croupe dansante,
possèderait un bien dont les hommes seraient affamés ? Qu’ils soient
affamés, certes ; mais pour la jolie fille ses cheveux sont ce qui protège
son crane, ses seins sont destinés à nourrir ses enfants, ses fesses sont les
muscles qui la portent. Nul ressource ici, nul bien échangeable.
Ce dont le désir sexuel est avide n’existe
que par rapport à lui. Ce corps-désiré n’à aucune réalité autre que
fantasmée ; autant dire qu’il n’existe que dans le cerveau des hommes en
rut.
La différence entre le viol et la
prostitution est que la prostituée doit être payée, qu’on institue avec elle un
échange commercial, alors que la femme violée est volée, qu’on lui prend sans
dédommagement les charmes dont on ressent le désir.
Supposons donc que les charmes du sexe
opposé soient l’objet des biens désirables. On peut comme pour toute chose dans
le domaine de l’économie estimer qu’il peut être volé, ou échangé ou donné. On
en est là selon Boris Vian dans l’amour-passion
Filons la métaphore jusqu’au bout.
L’ensemble de moyens de faire circuler les biens sont : l’échange, le vol
et … le don.
Si l’amour est réciprocité, il ne peut
entrer dans l’une des deux premières catégories de circulation des biens
économiques. Il ne lui reste plus qu’à
être don.
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