Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Art.
1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 1789
Cet article des Droits de l’homme et du citoyen – le premier
et sans doute le plus fondamental – est bien énigmatique. Il est vrai que cet
article est complété de la façon suivante : …les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité
commune. Autrement dit, les facultés d’agir et les inégalités sociales ne
sont pas héréditaires puisqu’elles sont subordonnées à l’utilité commune. Notez
bien que Rawls redécouvrira ce principe deux siècles plus tard (1)
Mais il n’a pas que cela. Qu’est-ce que cette liberté dont
on jouit à la naissance ? On a ironisé quand Rousseau en faisait état dans
son Contrat social : quelle est donc cette liberté doit jouit le
nourrisson à part celle de téter le sein de sa nourrice ?
On sait quand même ce que cela veut dire : c’est le
droit à être libre qui est natif, ce qui signifie que le moment venu, le
citoyen pourra jouir de cette liberté et qu’aucune entrave, hormis celle
décrétée par la loi comme nécessaire au bon ordre public ne pourra lui être
opposée.
On doit alors admettre qu’il y a un apprentissage de la
liberté, qu’elle n’est pas donnée d’un coup, et que bien des limites physiques
qui doivent être surmontées. Mais il y a surtout des limites morales : là
est la faille dans la quelle s’engouffrent tous les ennemis de la liberté.
L’adulte se substitue au petit enfant pour les décisions à prendre concernant
son existence : le problème est la limite à fixer pour que l’enfant soit
déclaré adulte et jouissant pleinement de ses droits. On sait que l’enfance de
certains rois, comme Louis XIV a été soumise à une régence. On sait aussi que
le jeune monarque a du, à la mort de Mazarin imposer son pouvoir – c’est à dire
l’exercice de son droit et de sa liberté.
Où se situe la limite entre les contraintes qui pèsent sur
la liberté au profit de la liberté et celles qui ne font que l’annihiler ?
Kant dira qu’aucune limite ne peut être justifiée puisqu’il
faut être libre pour apprendre à l’être. Mais les ennemis de la liberté ne sont
pas toujours ceux qu’on pense : ils peuvent être ceux-là mêmes qui sont
privée de liberté. Kant mettra surtout l’accent sur le choix fait par certains
de renoncer à l’exercice de leur propre liberté. Il fustigera les hommes qui,
par paresse ou par lâcheté renoncent à choisir par eux mêmes et pour eux mêmes,
renonçant ainsi à leur liberté – et donc à leur responsabilité. Il y a peu un
conducteur de bus, s’en remettant aux indications de son GPS a pris une route
qui comportait un passage surbaissé où son autocar a été décapité, faisant des
morts et des blessés parmi les passagers.
Suivons le précepte des Droits de l’homme et jetons donc
pardessus bord les GPS de notre vie.
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(1) John Rawls, Théorie de la justice, second
principe : les inégalités
économiques et sociales doivent être telles qu'elles soient : (a) au plus grand
bénéfice des plus désavantagés et (b) attachées à des fonctions et des
positions ouvertes à tous, conformément au principe de la juste égalité des
chances.
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