Qu’en étron de pourceaux soient frites ces langues
ennuyeuses !
François
Villon - Ballade des langues ennuyeuses
Commentaire II
On se reportera au Post du 19 octobre pour le texte complet
de la Ballade de Villon. Ce qui éveille ma curiosité, c’est que Villon s’en
prend – et de quelle façon ! – non à la méchanceté, non à la cruauté, non
à la bêtise, mais à l’ennui. Les gens les plus à craindre sont les gens
ennuyeux. Comment expliquer que ce travers devienne aussi redoutable ?
- Une hypothèse est que leur venin soit doux ; qu’il
s’insinue sans qu’on s’en aperçoive, ou du moins qu’il soit assez bénin pour
qu’on ne pense pas à se mobiliser immédiatement contre lui. Qu’avant qu’on en
soit arrivé à ces anathèmes terribles proférés par Villon, on ait subi de longs
et insipides discours.
- Une autre explication (qui d’ailleurs n’est pas exclusive
de la première) est que l’ennui à l’époque de Villon avait une signification
beaucoup plus forte qu’aujourd’hui. Là où nous ne trouvons qu’un inconfort,
Villon trouve une véritable souffrance qui d’ailleurs peut-être non seulement
morale, mais aussi physique (voit l’article du CNTRL ici). Cette souffrance ne
résulte pas de coups, de brutalités, mais des mots et des discours.
De toute façon – et c’est cette dernière observation qui
retiendra notre attention – les pires maux viennent du langage ; on
peut certes nous frapper, nous faire souffrir par des mauvais traitements dans
notre corps. Mais on peut surtout nous calomnier (ou calomnier nos amis) et
nous faire souffrir beaucoup plus gravement par des propos insidieux. Qu’on se
rappelle que Iago a terrassé Othello par ses médisances.
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