La politique ne réussit que par la duplicité.
Ahmadou
Kourouma – En attendant le vote des bêtes sauvages
DUPLICITÉ, subst. fém.
Caractère de l'être qui adopte un comportement différent de
ses pensées profondes en vue de tromper par dissimulation.
TLF
On compare souvent la politique à un jeu d’échec, et c’est
quand même plus flatteur que de faire du politicien un joueur de poker (qu’on pense
à la négociation entre Alexis Tsipras et les créanciers de la Grèce en mai-juin
dernier). Mais il reste à dire qu’aux échecs les meilleurs moments de la partie
apparaissent quand sur un coup, on parvient à menacer deux pièces adverses. Car
on ne peut sauver les deux en même temps. Bien joué !
La duplicité c’est cela, et c’est quelque chose de plus qui
implique en même temps la morale : c’est une dissimulation et une
tromperie. On est proche de Machiavel qui conseille au Prince de s’engager,
mais de ne pas tenir sa parole si cela l’avantage. La duplicité est une trahison,
considérée comme une condition de la réussite politique. Et il est vrai
que si le mensonge est le pain quotidien du politicien (avec un summum en
période électorale), la trahison bien que moins fréquente jalonne quand même un
parcours politique réussi. On me reprochera peut-être l’usage de ce vilain
mot : oui, le poison et le poignard qui étaient peut-être des accessoires
politiques courants dans l’Italie de la Renaissance, ont été remisés ;
mais on a conservé la félonie qui consiste à trahir ses amis pour
de nouveaux alliés
- C’est ainsi que Mario Renzi est devenu chef du gouvernement italien en supplantant
Enrico Letta, pourtant membre de son parti, le Parti Démocrate.
- Plus près de nous, quand Georges Pompidou a déclaré dans
la presse qu’il était prêt à remplacer le général de Gaulle, il a bel et bien
précipité l’échec de celui-ci au référendum de 1969. La trahison peut échouer
(Chirac contribuant à l’échec ce Giscard en 1981, sans pouvoir être élu) ;
elle ne peut être remplacée.
Mais ne condamnons pas la duplicité : elle laisse
ouverte la possibilité de remplir son devoir politique. Si la duplicité est en
effet une caractéristique essentielle de l’action politique, c’est que celle-ci
doit toujours avoir deux
significations : l’une qui vise le bien public ; l’autre qui permet à
son auteur de conforter son pouvoir.
La preuve ? On s’étonne que les électeurs reconduisent
au pouvoir des maires qui ont été condamnés par les tribunaux pour diverses
malversations, mais qui ont réussi des réalisations magnifiques dans leurs
villes (1). Mais c’est que simplement nous autres, les citoyens, nous pensons
que ceux qui nous gouvernent recherchent toujours leur intérêt personnel. Mais si
pour cela ils doivent faire le bien public, alors on dit Banco !
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(1) Jacques Médecin à Nice ; Alain Carrignon à Grenoble. J'ajouterai dans un autre registre Georges Frêches à Montpellier.
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