Friday, October 02, 2015

Citation du 3 octobre 2015

La politique ne réussit que par la duplicité.
Ahmadou Kourouma – En attendant le vote des bêtes sauvages
DUPLICITÉ, subst. fém.
Caractère de l'être qui adopte un comportement différent de ses pensées profondes en vue de tromper par dissimulation. 
TLF

On compare souvent la politique à un jeu d’échec, et c’est quand même plus flatteur que de faire du politicien un joueur de poker (qu’on pense à la négociation entre Alexis Tsipras et les créanciers de la Grèce en mai-juin dernier). Mais il reste à dire qu’aux échecs les meilleurs moments de la partie apparaissent quand sur un coup, on parvient à menacer deux pièces adverses. Car on ne peut sauver les deux en même temps. Bien joué !
La duplicité c’est cela, et c’est quelque chose de plus qui implique en même temps la morale : c’est une dissimulation et une tromperie. On est proche de Machiavel qui conseille au Prince de s’engager, mais de ne pas tenir sa parole si cela l’avantage. La duplicité est une trahison, considérée comme une condition de la réussite politique. Et il est vrai que si le mensonge est le pain quotidien du politicien (avec un summum en période électorale), la trahison bien que moins fréquente jalonne quand même un parcours politique réussi. On me reprochera peut-être l’usage de ce vilain mot : oui, le poison et le poignard qui étaient peut-être des accessoires politiques courants dans l’Italie de la Renaissance, ont été remisés ; mais on a conservé la félonie qui consiste à trahir ses amis pour de nouveaux alliés
- C’est ainsi que Mario Renzi est  devenu chef du gouvernement italien en supplantant Enrico Letta, pourtant membre de son parti, le Parti Démocrate.
- Plus près de nous, quand Georges Pompidou a déclaré dans la presse qu’il était prêt à remplacer le général de Gaulle, il a bel et bien précipité l’échec de celui-ci au référendum de 1969. La trahison peut échouer (Chirac contribuant à l’échec ce Giscard en 1981, sans pouvoir être élu) ; elle ne peut être remplacée.
Mais ne condamnons pas la duplicité : elle laisse ouverte la possibilité de remplir son devoir politique. Si la duplicité est en effet une caractéristique essentielle de l’action politique, c’est que celle-ci doit toujours avoir deux significations : l’une qui vise le bien public ; l’autre qui permet à son auteur de conforter son pouvoir.
La preuve ? On s’étonne que les électeurs reconduisent au pouvoir des maires qui ont été condamnés par les tribunaux pour diverses malversations, mais qui ont réussi des réalisations magnifiques dans leurs villes (1). Mais c’est que simplement nous autres, les citoyens, nous pensons que ceux qui nous gouvernent recherchent toujours leur intérêt personnel. Mais si pour cela ils doivent faire le bien public, alors on dit Banco !
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(1) Jacques Médecin à Nice ; Alain Carrignon à Grenoble. J'ajouterai dans un autre registre Georges Frêches à Montpellier.

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