1 – Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.
Racine
– Lettre XIV de Jean Racine à M. Vitart du 17 janvier 1662
(Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles, / La lune,
au visage changeant, / Paraît sur un trône d’argent, / Et tient cercle avec les
étoiles. / Le ciel est toujours clair tant que dure son cours, / Et nous
avons des nuits plus belles que vos jours.)
2 – « Tenir son plan déclenche en (…) Racine un
assaut de virilité qui le pousse à passer la nuit suivante entre les bras d’une
paysanne et conclure la lettre qu’il écrit à La Fontaine dès l’aube par : « Et nous avons des
nuits plus belles que vos jours. » »
Nathalie
Azoulai – Titus n’aimait pas Bérénice p. 130
Nos nuits sont plus belles …de quelles nuits
s’agit-il ? La nuit du poète chantant à son ami Parisien les merveilles
nocturnes de la campagne d’Uzès, ou bien les suaves sensations de l’amour ancillaire
– comme l’affirme Nathalie Azoulai ?
J’ai choisi mon camp : les nuits dont parle Racine sont bien celles de l’amour ; les jours quant à eux sont tout ce qui
l’exclut. On pourrait donc vivre mieux en vivant la nuit et en réalisant toutes
les promesses qu’elle porte, plutôt qu’en obéissant aux exigences de la réalité
et en faisant face à nos responsabilités.
Voilà comment le problème se pose en effet : où est
donc inscrit qu’en dehors de la nécessité vitale il y aurait une obligation
morale de repousser nos tendances à jouir pour
consacrer en priorité l’énergie ainsi libérée au travail et à
l’altruisme ?
Le problème se pose-t-il vraiment d’ailleurs ? En fait
on voit bien comment nos sociétés fondées sur le profit et la consommation qui
y préside, nous instillent le goût de la jouissance, qui supplante tout, y
compris – et surtout – l’altruisme. Du même coup, elles ont résolu un problème
qui n’apparaissait pas dans les anciennes civilisations : celui de
l’articulation des jours sur les nuits. Pour nous, les nuits ne sont pas faites
pour récupérer des fatigues du jour : ça c’est bon pour les Goulags. Pour
nous, ce sont les jours qui sont faits pour réunir les moyens (argent,
relations, etc.) nécessaires pour jouir de la nuit. Notre Paradis s’appelle dancefloor et sa porte se trouve à Ibiza.
Toutefois, Racine beaucoup plus sage que nous, le
sait : qu’on soit sous la lune ou entre les bras d’une paysanne, qu’on
soit poète ou débauché, les véritables plaisirs de la nuit sont gratuits.
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(1) Cet alexandrin
est devenu le titre d’un roman : Mes nuits sont plus belles que vos jours,
de Raphaële Billetdoux (Prix Renaudot 1985) ; titre également du film
d'Andrzej Żuławski qui en fait l’adaptation ciné.
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