Si un lion
pouvait parler, on ne le comprendrait pas
Ludwig Wittgenstein
L’homme ne
peut que « faire l’homme », il ne peut pas « faire le lion »,
sauf à être lion. « Si un lion
pouvait parler, on ne le comprendrait pas » : la langue que parlerait
le lion renverrait à sa propre forme de
vie (1), qui n’est pas la nôtre et que nous ne pourrions comprendre.
Pour bien
comprendre cela, il faut savoir que lorsque nous parlons, ce que nous disons
signifie bien au-delà de l’alignement de mots qu’une machine pourrait
effectuer. Parler, c’est prélever une expérience sur tout un amas confus de
vécus possibles, et le mettre en lumière. Mais cet amas confus reste en arrière
plan et c’est par rapport à lui que nait la signification. Même la machine
produit un ensemble de significations que seul un esprit humain peut découvrir.
Comprenons-nous tous de la même façon ce que nous dit Siri ?
o-o-o
Laissons les
machines et revenons aux animaux. Je ne parlerai pas des lions avec les quels
je n’ai que très peu de contacts et songeons plutôt à nos animaux de compagnie,
que nous côtoyons en permanence et qui finissent par réagir avec opportunité à
certains de nos signes – ce qui nous fait regretter qu’«il ne leur manque que la parole». Erreur : il y a de toute
façon une partie de leur « message » qui nous resterait hermétique si
jamais nous avions le pouvoir de communiquer réellement avec eux.
Je m’explique : quand mon chat miaule devant sa gamelle vide ou quand il pousse un autre miaulement bien différent devant la porte pour sortir, je comprends son message : « J’ai faim », ou : « Je veux aller me promener ». Et je veux croire que si mon chat a faim, ou s’il veut sortir, ça doit correspondre exactement à que j’éprouve avec ces mêmes besoins. D’ailleurs, si un lion nous disait « J’ai envie de te croquer » ne le comprendrions-nous pas suffisamment pour partir à toutes jambes ? Saine réaction, mais qu’est-ce que je sais en réalité ? Peut-être que le lion – ou mon chat – fantasme ( ?) quelque chose de bien différent lorsqu’il a faim. Peut-être que le lion se voit dévorant sa proie alors que sa femelle le regarde avec envie…
Je m’explique : quand mon chat miaule devant sa gamelle vide ou quand il pousse un autre miaulement bien différent devant la porte pour sortir, je comprends son message : « J’ai faim », ou : « Je veux aller me promener ». Et je veux croire que si mon chat a faim, ou s’il veut sortir, ça doit correspondre exactement à que j’éprouve avec ces mêmes besoins. D’ailleurs, si un lion nous disait « J’ai envie de te croquer » ne le comprendrions-nous pas suffisamment pour partir à toutes jambes ? Saine réaction, mais qu’est-ce que je sais en réalité ? Peut-être que le lion – ou mon chat – fantasme ( ?) quelque chose de bien différent lorsqu’il a faim. Peut-être que le lion se voit dévorant sa proie alors que sa femelle le regarde avec envie…
o-o-o
Ne le cachons
pas plus longtemps : ce que dit Wittgenstein, c’est encore autre chose,
qui ne supprime pas ces différences fantasmées, mais qui s’ajoute à elles.
Ce que dit
Wittgenstein, c’est que la signification de nos messages implique des jeux de langage proprement
humains (cf. Annexe) ; ce qui structure notre pensée et nos messages,
c’est ce renvoi permanent de chaque élément à d’autres éléments de langage, ce
qui fait que nos messages ont une structure circulaire, chaque élément
signifiant par rapport à d’autres éléments et non par simple désignation du
réel.
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(1) Annexe :
« Dans la forme de vie de l’être humain, l’homme pratique des jeux de
langage proprement humains : commander et obéir à des commandements ; décrire
un objet ; rapporter un événement ; traduire d’une langue dans une autre ;
demander, remercier, maudire, saluer, prier » Phap – Wittgenstein : Le langage ou la réalité comme surface
tissée
1 comment:
sublime billet
Parler, c’est prélever une expérience sur tout un amas confus de vécus possibles, et le mettre en lumière
Wittgenstein : Le langage ou la réalité comme surface tissée
un vrai régal à mon grand appétit , à ma jouissance . J'ai vraiment savouré.
merci jean pierre
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