Le
journaliste est l'historien de l'instant
Albert Camus – Editorial de Combat, 1er
septembre 1944.
Lisons le
texte de Camus (rapporté in extenso en annexe) et commentons-le chemin
faisant :
« (Un journaliste), c’est … un historien au
jour le jour, et son premier souci doit être de vérité. Peut-on dire
aujourd’hui que notre presse ne se soucie que de vérité ? »
Ici, Camus pose
la question, mais il considère que la réponse est suffisamment évidente :
ne dit-on pas en effet que « Thucydide
écrivait la guerre du Péloponnèse alors qu’elle se déroulait. » ?
(1)
Il change
alors de registre : le journaliste, c’est aussi celui qui veut être le
premier à relater un événement : « Comme il est difficile de toujours être le premier, on se précipite sur
le détail que l’on croit pittoresque ; on fait appel à l’esprit de facilité et
à la sensiblerie du public. »
- Détaillons
ce que nous venons d’apprendre : pour être le premier, le journaliste
s’attache aux détails, à ce que ses confrères ont négligé de rapporter. Mais ça
ne suffit pas : il faut aussi valoriser ces détails en montrant leurs
aspects pittoresques – et si ça ne suffit pas encore : émouvants.
Mais comment être particulièrement apprécié du public avec ça ? En étant
le plus facile à lire et à comprendre. Et comme ça risque de n’être toujours
pas suffisant, on va manipuler la sensibilité du public, de façon à ce que le
détail émouvant émeuve (sic). « On
crie avec le lecteur, on cherche à lui plaire quand il faudrait seulement
l’éclairer. »
- Bon :
où est le problème ?
Le problème
dit Camus c’est que tout ça « donne
toutes les preuves qu’on (= le journaliste) le méprise (= le public) »
On a compris que Voici méprise ses
lecteurs en les nourrissant avec de la pâté pour les cochons.
- Il ne reste
plus qu’à dérouler la suite : « L’argument
de défense est bien connu : on nous dit, « c’est cela que veut le public ! ».
Non, le public ne veut pas cela ; on lui a appris pendant vingt ans à le
vouloir, ce qui n’est pas la même chose. »
Et même c’est
le moment, dit Camus de créer enfin la presse responsable de demain : « [De nos jours] (= 1944) une occasion unique nous est offerte au
contraire de créer un esprit public et de l’élever à la hauteur du pays lui-même.
» Albert
Camus,
-----------------------------
(1) Nicole
Loraux – Thucydide a écrit la Guerre du Péloponnèse (Article de la revue Mètis
1986)
Albert Camus,
éditorial de Combat, 1er septembre 1944.
No comments:
Post a Comment