Marie, baisez-moi ; non, ne me baisez pas, / Mais tirez-moi
le cœur de votre douce haleine; / Non, ne le tirez pas, mais hors de chaque
veine / Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras; (…) /
Non, ne la sucez pas ; car après le trépas / Que serais-je
sinon une semblance vaine, / Sans corps, dessus la rive, où l'amour ne démène /
(Pardonne-moi, Pluton) qu'en feintes ses ébats ?
Ronsard
– Second livre des Amours Marie, baisez-moi
La
vie quotidienne de Pierre Ronsard 4
Rappel : nous nous étions quittés hier sur la
question : comment selon Ronsard le baiser peut-il se substituer aux
autres éteintes plus … sexuelles ?
Conformément aux explications maintes fois données ici, il y
a toutes sortes de baisers : avec les lèvres, c’est le baiser qui effleure
la peau ; avec la langue, il peut lécher avec gourmandise ; avec les
dents il peut mordre et dévorer. Avec la bouche il peut insuffler la vie, comme
la baiser mystique, mais il peut aussi l’aspirer. C’est de ce dernier genre que
nous parle Ronsard : le baiser qui, à l’inverse du baiser mystique n’insuffle
pas, mais suce qui aspire l’âme.
Car baiser, c’est baiser non seulement la chair, mais aussi
l’âme. Sucez-moi toute l'âme éparse entre
vos bras dit Ronsard, ce qui signifie que l’âme est partout dans le corps,
et pas seulement dans les parties habituellement sensibles – comprenons
que l’érotisation est si générale que la moindre parcelle de peau serait déjà
sensible aux baisers de l’amante.
Mais alors, le baiser ne donnerait-il pas un orgasme
généralisé, l’orgasme du corps entier ? Si cela était, alors son
comprendrait qu’il puisse remplacer avantageusement l’étreinte sexuelle.
Mais Pierre Ronsard ne veut pas aller jusque là :
Marie, tout à coup se transformerait en vampire : son baiser pourrait
sucer, aspirer, il serait si fort qu’on pourrait craindre d’en être vidé de soi
plus encore que par un écoulement séminal. Oui, le baiser peut sucer l’âme et
Ronsard redoute la femme castratrice, celle qui prive l’homme de sa force et
qui fait de Hercule une sorte de mouton.
Faites-vous embrasser, mais ne vous faites pas sucer… l’âme
(qu’alliez-vous imaginer ?)
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