… Tirer la langue à un photographe qui s'attend sûrement à
une pose plus solennelle, cela signifie que l'on refuse de se prêter au jeu de
la représentation, que l'on se refuse à livrer une image de soi conforme aux
règles du genre.
Albert
Einstein, lors de son 72ème anniversaire.
©
Arthur Sasse
Cette image célébrissime a été prise le 14 mars 1951, 72e
anniversaire d'Albert Einstein, par le photographe Arthur Sasse qui lui
demandait, avec insistance mais en vain, de sourire. Voici ce qu’en dit
Einstein lui-même : « Cette
pose révèle bien mon comportement. J'ai toujours eu de la difficulté à accepter
l'autorité, et ici, tirer la langue à un photographe qui s'attend sûrement à
une pose plus solennelle, cela signifie que l'on refuse de se prêter au jeu de
la représentation, que l'on se refuse à livrer une image de soi conforme aux
règles du genre. »
o-o-o
Devant la notoriété de cette image devenue l’une des plus
célèbre du célèbre physicien, on serait tenté de hausser les épaules :
« Voilà bien la futilité du public, prêt à admirer ce qui l’étonne
simplement parce que c’est inattendu. » ; après tout c’est bien ce
qu’Einstein lui-même déclare en affirmant avoir voulu se dérober à une
obligation qui lui était faite.
- Une première remarque, donc : l’inventeur de la théorie
de la Relativité qui a ouvert des horizons qui restaient obstinément bouchés
aux autres savants respectueux des leçons de leurs maitres est par nature un
rebelle sans quoi il n’aurait jamais osé « renverser la table » comme
on dit familièrement. Certains disent même que, malgré leurs grandes qualités
intellectuelles les chercheurs chinois n’auraient pas cette faculté de
découverte en raison de l’influence du confucianisme qui leur impose le respect
des anciens…
- Il y a aussi une autre raison qui nourrit l’étonnement
devant cette image : c’est la distorsion entre l’extraordinaire complexité
des découvertes d’Albert Einstein et le côté enfantin de sa pose. Un peu comme
la représentation de Mozart qui nous le montre comme un être immature voire
même grossier – alors que dans le même temps, il compose de sublimes arias qui
planent au milieu les anges (on se rappelle que c’était l’un des thèmes d’Amadeus, le film de Milos Forman – Voir
la bande annonce ici).
C’est qu’on exige que l’homme soit d’une seule pièce, que
s’il est génial, il soit de part en part génial, qui boive, mange, défèque
comme un génie.
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