Plus-tard
devient sans cesse maintenant. Demain deviendra hier… après-demain !
Jankélévitch – L’aventure, l’ennui, le
sérieux page 101 Flammarion
C’est avec
des phrases comme celles-là que les philosophes se sont fait une réputation de
sodomiseurs de musca domestica .
Quelle injustice ! D’abord parce que nous autres philosophes nous
respectons trop la nature pour lui faire subir les assauts de notre libido ;
ensuite, parce que si des phrases comme celles-ci paraissent inutilement
alambiquées, c’est dû au fait que les gens les lisent sans y mettre l’attention
nécessaire.
En réalité ce glissement incessant des moments du temps par rapport à nous semble beaucoup plus évident
lorsqu’il est exprimé de façon humoristique. Comme dans ce panneau supposé
affiché dans la vitrine du barbier : « Demain, on rase gratis »,
… car on
suppose de suite que « demain » n’arrivera jamais : puisque
demain, « demain » s’appellera « aujourd’hui ».
En fait, le piège
tient au fait que nous nous supposions immobiles regardant défiler les jours
comme la vache dans son pré regarde passer les trains. Mais supposez que ce
soit dans votre imagination que se fasse le déplacement : alors demain,
lorsque vous y penserez, restera toujours marqué du sceau de l’espérance placée
dans le futur. Et ce que j’imagine comme devant survenir demain n’aura plus du
tout la même nature lorsqu’il sera advenu. Que le 25 décembre soit un
« demain » espéré par les petits enfants, c’est un fait ; mais
lorsque le 25 décembre sera là, il est possible qu’il doit vécu de façon très
différente. On dit « Vivement dimanche prochain » et non « Chic !
c’est dimanche » lorsqu’il s’agit du jour même
Du coup qu’on
choisisse le jour où les barbiers raseront gratis comme étant le symbole d’un
demain devenu aujourd’hui est fort clair : car il s’agit d’un évènement
qu’on identifie comme radicalement impossible.
La
preuve : les barbus fleurissent un peu partout ces temps-ci.
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