Hâtons-nous ; le temps fuit et nous traîne avec soi: / Le
moment où je parle est déjà loin de moi.
Boileau
– Epîtres (1669-1695), III
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame. / Las ! Le
temps non ; mais nous nous en allons
Ronsard
– Sonnet à Marie (1)
Laissons de côté la leçon épicurienne de l’urgence à jouir
dans un présent seulement instantané.
Laissons aussi de côté, si ce n’est pas trop demander, la
difficulté de comprendre où prend naissance la durée dont se soucie Boileau.
Demandons-nous
plutôt : est-ce le temps qui s’en va comme le suggère Boileau, ou
bien est-ce nous qui nous en allons, comme le corrige Ronsard ? La
comparaison avec le train qui s’ébranle alors qu’il s’agit en réalité du train
d’à côté est trop commune pour être expliquée, d’autant que cette vidéo vous en
montre l’essentiel en 23’ !
L’idée principale est quand même simple : le temps est
fait d’un écoulement irréversible de moments qui se caractérisent par un avant
et un après. On remarquera que du coup le « pendant » est esquivé, ce
qui s’explique par le fait qu’il peut fort bien ne pas avoir de durée, n’étant
que la limite immatérielle entre le passé et l’avenir.
Restent deux images :
- D’une
part celle d’un décor qui se déplace (comme le train qui s’en va dans la vidéo
référencée) devant un spectateur immobile. Dans ce cas nous qui en sommes
spectateurs immobiles la vie est comme le disait Nietzsche faite d’un éternel
retour : nous la subissons et nous n’avons plus qu’à l’aimer à n’en plus finir.
- D’autre
part celle d’un coureur qui avance dans un paysage immobile. Rien ne changerait
si nous nous arrêtions. D’où l’idée d’un temps figé, qui nous donnerait enfin
l’éternité.
« Retiens la nuit
/ Pour nous deux jusqu’à la fin du monde… »
Chantait Johnny
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(1) Sonnet à Marie
Je vous envoie un bouquet, que ma main / Vient de trier de ces fleurs épanies, / Qui ne les eut à ces vêpres cueillies, / Tombées à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain, / Que vos beautés, bien qu'elles soient
fleuries, / En peu de temps, seront
toutes flétries, / Et, comme fleurs,
périront tout soudain.
Le temps s'en va, le temps s'en va ma Dame, / Las ! le temps non, mais nous nous en
allons, / Et tôt serons étendus sous la
lame,
Et des amours, desquelles nous parlons / Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle : / Donc, aimez-moi, cependant qu'êtes belle.
Et des amours, desquelles nous parlons / Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle : / Donc, aimez-moi, cependant qu'êtes belle.
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