L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui
veut faire l’ange fait la bête.
Pascal
– Pensées (Lire en annexe le passage entier)
L'homme a la conscience d'être Dieu, et il a raison, puisque
Dieu est en lui. Il a conscience d'être un cochon et il a également raison
parce que le cochon est en lui. Mais il se trompe cruellement quand il prend le
cochon pour un Dieu.
Léon
Tolstoï - Journal intime
Je reprends cette citation à la « lumière » de
l’actualité qui a mis le cochon au centre du quotidien des femmes. La formule ♯balancetonporc paraît ainsi confirmée par Tolstoï : oui l’homme (le mâle – le
vir comme disaient les romains) c’est
quelqu’un « qui prend le cochon pour Dieu ».
Que faut-il faire alors ? Tolstoï ne nous montre que
l’erreur commise et non le chemin à
suivre pour la corriger. Suivons donc Pascal mais laissons de côté sa
manipulation cynique lorsqu’il se loue d’avoir l’occasion d’utiliser cette
dualité à l’encontre des hommes, et comprenons (à notre façon !) ce qu’il
veut dire à la lumière des évènements actuels.
- D’abord,
qu’il ne faudrait pas que les hommes veuillent faire l’ange en renonçant à leur
libido. D’ailleurs les femmes elles-mêmes seraient déçues d’avoir pour
compagnons des êtres asexués. Et en plus la bête en nous se rebellerait sans
doute : voir la débauche dans le clergé pédophile ; ou bien au
contraire, cela nous abrutirait : voir les cas d’acédie dans les monastères (1).
- À
l’opposé, faire la bête est chose facile à envisager. Les obsessions sexuelles
sont devenues, « grâce » au porno en libre service sur Internet,
relativement courantes et pas seulement chez ceux qu’on appelle pudiquement les
« libertins ». Faut-il, comme les femmes le disent aujourd’hui,
croire que les hommes qui « libèrent » ainsi leur cochon se
transforment eux-mêmes en bêtes irrécupérables ? Admettons-le, même si
c’est douteux : le débat n’est pas là.
--> Le débat tient
dans cet entre-deux de l’homme mi-ange et mi-bête. Pascal s’en tirait
facilement : l’homme est un monstre
(= une chimère) incompréhensible.
Admettons : si la libido est une pulsion mystérieuse
quand on la voit apparaître chez Freud, l’imagerie médicale nous le révèle :
dans le cerveau masculin la zone qui est excitée lors de présentation d’image à
caractère sexuel est associée à la zone concernée par la violence. Oui, la
sexualité masculine est violente et il n’est que de voir les accouplements dans la nature pour constater
qu’il en va de même ailleurs.
Cliché
Gérard David
Mais attention aux conclusions abusives : voici comment
les chose se passent vraiment chez les lions : « Même si un (lion) mâle arrive au sommet de la hiérarchie, il ne peut se
reproduire avec une femelle qu'avec son consentement. » (lire ici).
Et nous alors ? La civilisation humaine (2) n’a pas
cessé d’encadrer et de réglementer les pulsions sexuelles. Je ne dis pas que la
morale et la justice y ont toujours trouvé leur compte, mais je dis qu’une idée
toute simple s’est peu peu affirmée : dans le cas de la sexualité au moins,
entre hommes et femmes, tout est simplement affaire de consentement mutuel.
Quand je dis « simplement », j’exagère un
peu : pour corriger il n’est que de lire l’ouvrage prémonitoire de
Geneviève Fraisse « Le consentement » publiée en 2007 (3)
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(1) Acédie : il s’agit de la mélancolie doublée de
paresse des moines – Lire cette intéressante synthèse.
(2) Je dis « la »
civilisation pour englober dans le même effort tout ce que les hommes ont
produit depuis leur origine pour vivre ensemble avec ce que la nature leur a
donné
(3) On peut lire cet article de Geneviève Fraisse. Ainsi que
l’article d’ Anton Perdoncin, « Consentement des femmes et politique. Note sur
Du Consentement de Geneviève Fraisse »
Annexe.
« Il est dangereux de trop faire voir à l’homme combien
il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de
lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux
de lui laisser ignorer l’un et l’autre. Mais il est très avantageux de lui
représenter l’un et l’autre.
Il ne faut pas que l’homme croie qu’il est égal aux bêtes,
ni aux anges, ni qu’il ignore l’un et l’autre, mais qu’il sache l’un et
l’autre.
L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui
veut faire l’ange fait la bête.
S’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante ;
et le contredis toujours, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre
incompréhensible.
Que l’homme maintenant s’estime à son prix. Qu’il s’aime,
car il y a en lui une nature capable du bien ; mais qu’il n’aime pas pour cela
les bassesses qui y sont. »
PASCAL, Pensées
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