Nous naissons avec tout notre avoir et nous ne changeons
jamais. Nous n'acquérons jamais rien de nouveau. Nous sommes complets dès le
début.
Hemingway
/ L'Adieu aux armes
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais en lisant cette
citation je sursaute : comment Hemingway que je respecte si fort par
ailleurs, a-t-il pu écrire une pareille ânerie ? Car quand même, la vie
n’est-elle pas un long apprentissage, celui de l’individualité que nous
parvenons à être ? Au point que certains n’hésitent pas à dire que le
vieillissement n’est rien d’autre que le parachèvement de cette
différenciation. Or voilà Hemingway qui nous oppose cette affirmation : Nous sommes complets dès le début.
Bien sûr le métier de philosophe habitue à ce genre de
réaction et donne pour règle de méthode de ne jamais rien rejeter sans se poser
la question : A quelle(s) condition(s) cette affirmation pourrait-elle
être vraie ? Ce qui signifie ici : qu’est-ce que le bébé possède dès
sa naissance et qui ne variera pas ensuite ? Et évitons de dire que ce
sont ses gènes parce qu’alors on englobe tout ce qui ne se manifeste pas à la
naissance mais qui va apparaître ensuite – comme la croissance ou la sexualité.
Parce qu’alors c’est un peu trop facile et on perd toute la force de la pensée
d’Hemingway.
Je suppose donc que ce qui est en jeu ici, ce sont les
émotions qui habitent le petit enfant dès sa naissance et qui ne cessera pas de
se manifester ensuite, quoique dans des contextes différents. Je lisais que
l’enfant qui vient de naitre possède, déjà mature, la zone du cerveau qui
sécrète les hormones du stress ; et qu’ainsi il va stresser à plein pot
dans des situations qu’il ne contrôle pas – et comme il ne contrôle rien du
tout, cette réaction va se déclencher dès qu’il ne trouve pas l’appui qui le
sécurise habituellement. Ainsi donc, nous qui sommes devenus bien vieux (enfin,
je parle pour moi) nous stressons comme un bébé, mais pas forcément aussi
souvent ni aussi longtemps.
Mais pour en finir avec la pensée d’Hemingway, ajoutons que
tout ce que nous apprenons par la suite ne modifie pas fondamentalement la
réalité de ces émotions. D’où par exemple la douceur de la tendresse dont Freud
nous dit que c’est le moment où l’amour nous offre une régression à la
petite enfance quand le bébé satisfait enfouissait son petit visage dans le
sein voluptueux de sa maman…
Excusez-moi : je dévie un peu, mais c’est sous la force
de cette émotion archaïque
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