Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie
André Malraux.
La vie ne vaut rien, mais rien de vaut la vie
Alain Souchon - Chanson
Alors voilà : ce n’est pas Alain Souchon qui a inventé cette belle phrase. Mais qu’importe ? Ne soyez pas déçu, Souchon fait comme moi : il brode sur la pensée des autres. Why not ?
Nous sommes en présence d’un paradoxe : comment la vie dénuée de valeur peut-elle être néanmoins préférable à toute autre situation, en clair : pourquoi préfère-t-on vivre plutôt que mourir ?
Une réponse se trouve chez Schopenhauer. C’est le vouloir vivre qui en est l’axe : cet instinct de vie (ou de vouloir-vivre) n’est autre que l’influence de l’espèce en nous. L’individu ne trouve dans l’existence que souffrance, angoisse et misère. Il voudrait mourir plutôt que vivre : mais l’espèce a placé en lui un instinct qui le pousse à survivre, à se reproduire et à élever sa progéniture. C’est le vouloir-vivre de l’espèce qui nous domine, c’est elle qui insinue que « rien ne vaut la vie ». Seul l'Hindouisme a su démasquer cette illusion (l’attachement au monde sensible n’est autre que le voile de Maya) ; lui seul a su nous dire qu’il faut échapper à la vie et ne jamais y revenir. Voilà le pessimisme.
Vous voulez une autre réponse ? Une réponse optimiste ? S’il y a quelqu’un qui sait que rien ne vaut la vie, c’est bien Epicure. Toute la philosophie d’Epicure repose sur la contestation de l’affirmation : « La vie ne vaut rien ». Car les souffrances dont parlera Schopenhauer sont déjà au cœur de sa réflexion : comment vivre si c’est au prix de souffrances intolérables ? Mais pour Epicure, ces souffrances sont purement imaginaires : elles sont craintes de souffrir et non souffrances réelles. D’où le quadruple remède qui résume son message : « Dieu n'est pas à craindre, la mort est privée de sensibilité, le bien est facile à se procurer, la souffrance est facile à supporter » (1) C’est ça, l’optimisme.
Maintenant quand vous fredonnerez Souchon, demandez-vous, lorsqu’il dit qu’il est plein de gratitude pour la vie quand il tripote « Les deux jolis petits seins de mon amie », s’il n’est pas sous l’emprise du vouloir-vivre de l’espèce…
(1) Voir l’analyse du « Tétrapharmakon » dans le message du 23 avril 2006
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