Sunday, September 24, 2006

Citation du 25 septembre 2006

Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie
André Malraux.
 La vie ne vaut rien, mais rien de vaut la vie
Alain Souchon - Chanson
Alors voilà : ce n’est pas Alain Souchon qui a inventé cette belle phrase. Mais qu’importe ? Ne soyez pas déçu, Souchon fait comme moi : il brode sur la pensée des autres. Why not ?
Nous sommes en présence d’un paradoxe : comment la vie dénuée de valeur peut-elle être néanmoins préférable à toute autre situation, en clair : pourquoi préfère-t-on vivre plutôt que mourir ?
Une réponse se trouve chez Schopenhauer. C’est le vouloir vivre qui en est l’axe : cet instinct de vie (ou de vouloir-vivre) n’est autre que l’influence de l’espèce en nous. L’individu ne trouve dans l’existence que souffrance, angoisse et misère. Il voudrait mourir plutôt que vivre : mais l’espèce a placé en lui un instinct qui le pousse à survivre, à se reproduire et à élever sa progéniture. C’est le vouloir-vivre de l’espèce qui nous domine, c’est elle qui insinue que « rien ne vaut la vie ». Seul l'Hindouisme a su démasquer cette illusion (l’attachement au monde sensible n’est autre que le voile de Maya) ; lui seul a su nous dire qu’il faut échapper à la vie et ne jamais y revenir. Voilà le pessimisme.
Vous voulez une autre réponse ? Une réponse optimiste ? S’il y a quelqu’un qui sait que rien ne vaut la vie, c’est bien Epicure. Toute la philosophie d’Epicure repose sur la contestation de l’affirmation : « La vie ne vaut rien ». Car les souffrances dont parlera Schopenhauer sont déjà au cœur de sa réflexion : comment vivre si c’est au prix de souffrances intolérables ? Mais pour Epicure, ces souffrances sont purement imaginaires : elles sont craintes de souffrir et non souffrances réelles. D’où le quadruple remède qui résume son message : « Dieu n'est pas à craindre, la mort est privée de sensibilité, le bien est facile à se procurer, la souffrance est facile à supporter » (1) C’est ça, l’optimisme.
Maintenant quand vous fredonnerez Souchon, demandez-vous, lorsqu’il dit qu’il est plein de gratitude pour la vie quand il tripote « Les deux jolis petits seins de mon amie », s’il n’est pas sous l’emprise du vouloir-vivre de l’espèce…
(1) Voir l’analyse du « Tétrapharmakon » dans le message du 23 avril 2006

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