La paresse chemine si lentement que la pauvreté la rattrape.
Benjamin Franklin
- Ah… Qu’il a raison le Benjamin ! La paresse, c’est ça qui est la cause de la pauvreté ! Au lieu d’aller quémander une alloc ou quoique ce soit, mets-toi au boulot feignant ! Tu veux gagner plus ? Travaille plus.
Cher lecteur, si jamais tu rencontres un brave homme (ou une brave femme) qui te tient ce discours, arrête-le avant d’avoir une apoplexie (et ça vient vite). Car même si on admet que tous les paresseux finissent dans la pauvreté, il n’en résulte pas nécessairement que tout les pauvres soient des paresseux : certains peuvent travailler - beaucoup travailler - et être dans le besoin ; les Restos du cœur le signalent régulièrement.
On se scandalise des patrons qui quittent leur entreprise avec l’équivalent de 1500 ans de SMIC comme indemnité. Ça frappe l’esprit mais ça reste abstrait, vu l'énormité des chiffres.
Permettez un souvenir perso : du temps où j’étais prof, et où je faisais des heures supplémentaires (gagner plus…) j’avais expliqué à mes élèves qu’en une heure de travail, je gagnais autant que la femme qui faisait le ménage dans la classe pendant 4 heures. Ça voulait dire que cette brave femme aurait dû vivre 4 fois plus longtemps que moi pour avoir le même revenu. Tous les élèves dont les parents étaient smicards ont dû me détester : c’était pas malin de dire ça, sauf que ça permettait de mettre en lumière une véritable inégalité sociale (1). Ce n’est pas de statut social qu’il est question ici ; c’est de vie, d’existence.
Marx l’avait déjà dit : le travail c’est la vie. Non pas en tant qu’il donnerait un sens à la vie ; ça peut arriver, mais ce n’est pas son rôle. Non, le travail, c’est un certain usage que nous faisons de notre corps, de notre esprit, du temps qui nous est donné de vivre. Pourquoi donc une heure de ma vie serait équivalente à quatre de la vie d’un autre ?
Alors on dira : ce n’est pas la vie qui est en cause, c’est le salaire. Vous gagnez 4 fois le salaire de la femme de ménage, c’est tout ce qu’on peut dire. Et c’est vrai. Mais justement : dans notre civilisation, l’argent est l’équivalent de la valeur d’un homme (2), nous ne sommes pas loin de considérer que la bourse, c’est la vie.
(1) S’il m’est arrivé de m’exposer ainsi, c’était pour faire comprendre que ce qui était vrai pour un petit prof, l’était encore beaucoup plus pour le cadre commercial, ou … pour le Président d’EADS.
(2) « Combien vaut-il » disent les Américains à propos d’un individu, en pensant à son salaire.
4 comments:
Et pourtant, une femme de ménage est aussi utile qu'un prof de philo. Qui sinon aux élèves offrirait un cadre sain afin de leur permettre d'apprendre aux mieux les préceptes que tente de leur transmettre leur professeur ? Je propose, au nom de l'équité, d'égaliser le salaire des femmes de ménage sur celui des professeurs de philo ; d'autant qu'on ne peut même pas dire qu'un prof de philo est plus rentable qu'une femme de ménage (cf un post précédent, je suis un lecteur assidu) vu le peu d'enthousiasme que la philosophie soulève dans le monde du travail aujourd'hui.
Je propose, au nom de l'équité, d'égaliser le salaire des femmes de ménage sur celui des professeurs de philo ; d'autant qu'on ne peut même pas dire qu'un prof de philo est plus rentable qu'une femme de ménage (cf un post précédent, je suis un lecteur assidu) vu le peu d'enthousiasme que la philosophie soulève dans le monde du travail aujourd'hui
Bien entendu, je n’entrerai pas ici dans la polémique sur l’utilité de la philosophie : elle a commencé avec Socrate et les sophistes, si on en croit Platon - notez tout de même que depuis 2500 ans ce soupçon de stérilité ne l’a pas empêché de survivre et même de se bien développer.
Reste le principal : sur quelle base fonder la rétribution du travail ? Sur son utilité matérielle ? Exit les vedettes de cinéma et les chanteurs rock. Sur la demande populaire ? Qui allez-vous faire disparaître alors ? Les percepteurs ? Les policiers ? Et avec qui allez-vous tomber d’accord pour établir une échelle de salaire ? Sur la rareté ? Sur le profit réalisé par l’employeur ? Notre pauvre femme de ménage risque bien de rester coincée au SMIC…
On pourrai aussi bien imaginer baser le salaire sur la "pénibilitée"; encore faudrai-t-il pouvoir la définir de façon équitable. Est-ce plus pénible d'être dehors en plein air à monter des murs (même s'il fait froid), ou dans un bureau sans lumière naturelle (mais avec la clim)?
On pourrai aussi imaginer que ça soit lié aux responsabilités de l'employé: son impact sur la réussite de "l'entreprise" à réussir. Plus la moindre erreur qu'il peut commettre peut-être grave en conséquence pour l'entreprise, plus il doit avoir un gros salaire pour compenser ce stress, voir même le travail supplémentaire qu'il doit fournir pour être sur du "non" risque qu'il prend.
Il me semble que la dernière solution est celle retenue de façon générale dans les entreprises. On pourra quand même s'interroger sur certains salaires et le stress qu'il est censé compenser...
Bref, je pense que c'est plus une affaire de point de vue. Seulement ceux qui ont un point de vue différent sur la situation sont rarement (jamais?) ceux qui peuvent effectivement changer la situation.
. Plus la moindre erreur qu'il peut commettre peut-être grave en conséquence pour l'entreprise, plus il doit avoir un gros salaire pour compenser ce stress
Je crois qu’on prend en compte cet aspect, du moins que c’est un élément de la négociation… quand l’employé est en position de négocier.
Car si toutes les cartes sont dans les mains de l’employeur alors c’est l’espoir de profit qui le conduira à déterminer le montant du salaire. (Bien sûr tout ça, en plus de l’effet joué par la rareté des candidatures)
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