Thursday, March 25, 2010

Citation du 26 mars 2010

Il faut des châtiments dont l'univers frémisse ; / Qu'on tremble en comparant l'offense et le supplice.

Racine – Esther

Elle était déjà au nombre des Bienheureux collée sur un gril brûlant, les seins posés sur un plateau à côté. Allez-y, servez-vous !

Elfriede Jelinek – Enfants des morts, p. 392


Attention – Ce post contient des images qui peuvent choquer les âmes sensibles.


Qu’est-ce qui justifie les supplices ? Rien du tout ? Sans doute. Mais n’oublions pas qu’ils ont été longuement justifiés, par des siècles entiers d’argumentations juridiques.

L’idée qui a prévalu, c’est que leur horreur devait édifier la foule, donc empêcher le crime, et pour cela être cruels et publics. L’exemple souvent cité est le supplice de Damien, le régicide qui tenta de supprimer Louis XV. Michel Foucauld ouvre d’ailleurs son livre sur les supplices et la prison par ce récit.

Le supplice devait répondre à deux exigences : être proportionné au crime (1) – mais proportionné ne signifie pas égal ni identique, puisque – seconde exigence, il devait aussi être suffisamment cruel pour effrayer ceux que ce méfait aurait pu tenter.

Voilà en tout cas ce que nous dit Racine.

--> Or, il semble bien qu’il y ait un vieux malentendu sur la question. Le supplice n’est pas seulement une sanction juridique ; il est aussi jouissance pour celui qui l’inflige et pour celui qui en est spectateur.

C’est ce que souligne notre citation de Jelinek, qui fait allusion au supplice de sainte Agathe dont on a voulu châtier la pudeur en lui coupant les seins. N’est-ce pas un fantasme sadique qui se trouve activé par là ?

Déjà imaginer un supplice qui consiste à couper les seins d’une femme en dit long que l’érotique sous tendue. Mais il s’agit d’un fantasme peu réaliste, comme ceux qu’on trouve à longueur de pages chez Sade.

On sait pourtant qu’un supplice plus conventionnel mais bien réel a existé comme nous l’explique Foucauld : le tenaillement des mamelles qu’on a fait subir au régicide Damien.

Alors, finalement,

- Que l’on ait coupés les seins de sainte Agathe pour les exposer sur un plateau (comme le montre ce tableau de Tiepolo),

- Ou qu’on lui ait tenaillé les mamelles – comme le montre cette œuvre de Piombo, voilà qui importe peu (du moins pour nous).Car dans les deux cas c’est de jouissance qu’il s’agit. (2)


(1) Voir aussi Montesquieu : C’est le triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du crime. – De l’esprit des lois, livre XII, chapitre 4.

(2) Dire que ça importe peu, c’est un peu léger. J’ai trouvé des recettes de pâtisserie qui permettent de fabriquer des petits gâteaux en forme de seins de Sainte Agathe

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