Friday, March 05, 2010

Citation du 6 mars 2010

L'homme naît perfectible, l'animal naît parfait.

Louis de Bonald

Les frontières perdues – 1

Frontière entre l’homme et l’animal

De Bonald devait avoir en l’esprit le passage du Discours sur l’inégalité où Rousseau définit la perfectibilité comme critère de l’humanité.

On peut nous aussi le (re)lire (par exemple ici.) Ce serait en tout cas l’occasion de vérifier que l’intuition de Rousseau est au centre du développements des sciences cognitives contemporaines, à cette différence près que l’animal lui-même nous y apparaît comme étant perfectible (= sujet à l’apprentissage).

Les êtres vivants sont tous confrontés aux exigences du milieu environnant, tant pour y prélever leur subsistance que pour résister aux prédateurs et aux agressions du climat. Les humains ont pour cela un cerveau, organe qui au cours de la vie se développe et évolue en fonction des stimulations extérieurs et des besoins de l’activité humaine. La plupart des autres espèces possèdent aussi une telle faculté, dans des limites variables. Lorsque la plasticité cérébrale est débordée, c’est l’organisation neurologique qui prend le relais (à moins que ce ne soit l’inverse).

Ceci nous montre au moins une chose : que la frontière entre l’homme et l’animal est floue, qu’elle s’efface ici pour renaître là, et que surtout la recherche d’un critère absolu d’humanité ou d’animalité est une recherche vaine, n’en déplaise aux cartésiens.

C’est en effet une constante : le narcissisme humain s’exprime généralement en faisant du critère de l’humanité une perfection qui lui assure de surclasser les autres espèces – qu’il s’agisse de l’âme immortelle, de la raison, de la conscience… ou de la bipédie !

C’est déjà ce que dénonçait Platon quand l’Etranger s’adresse au Jeune Socrate en ces termes (c’est dans le Politique) :

« Ô le plus brave des hommes ! tu as agi comme agirait quelque autre animal doué de raison, la grue, par exemple, si, distribuant les noms suivant ton procédé, elle opposait les grues comme une espèce distincte à la multitude des animaux, et se faisait ainsi honneur à elle-même, tandis que, enveloppant tous les autres êtres, y compris les hommes, dans une même catégorie, elle les confondrait tous sous le nom de bêtes. Tâchons donc de nous tenir désormais en garde contre ces sortes d’erreurs. »


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