C'est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous.
Erasme – Eloge de la folie
Les frontières perdues – 3
Frontière qui passe entre le fou et l’homme normal.
On se rappelle qu’Erasme avait écrit l’Eloge de la folie (à lire ici) comme une critique de la rationalité de son époque. Le fou est celui qui a l’audace de nier les limites que les gens raisonnables prétendent lui opposer.
Mais il se peut que la folie soit prise au sérieux, comme ce qui contrevient aux règles de l’esprit, voire même à la nature humaine. Ainsi prétendait-on autre fois que la folie était une anomalie du cerveau qu’on pouvait opérer pour rendre au malade l’usage de sa raison (voir le tableau de Jérôme Bosch illustrant l’extraction de la pierre de folie).
On comprend alors qu’Erasme puisse opposer la déraison – au sens de ce qui n’est que déraisonnable – à la folie comme privation de l’usage de la raison. Entre la folie déraisonnable et la folie déraison il y aurait homonymie – c'est-à-dire un seul terme pour deux réalités différentes.
Vint un moment où le second sens s’est effacé au profit du premier. C’est alors que la différence entre l’homme normal et le fou est devenue une simple variation d’intensité, dans des processus psychologiques qui tous, pris isolément font partie de l’équipement des hommes normaux. Seul le déséquilibre dans leur combinaison permet de retrouver l’origine de la « folie ». (1)
Mais il faudra attendre les publications de Michel Foucault (Histoire de la folie) pour que soit décryptée la stratégie associée à la création du concept de folie, et de l’enfermement qui s’en est suivi. Là-dessus, lisez l’article de Jean Lacroix, ici.
(1) Voir ce Post sur le rapport entre le normal et la pathologique chez Canguilhem.
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