Wednesday, March 03, 2010

Citation du 4 mars 2010

Une société n'offrant comme perspective qu'une compétition sans merci où les soi-disants meilleurs gagnent en écrasant les plus faibles et les moins combatifs ne me semble pas porter l'espoir d'un avenir particulièrement radieux.

Pierre Joliot – La Recherche passionnément

La compétition sociale paraît être plus que jamais le ressort de notre société, du moins de l’activité professionnelle qui s’y dévoile. Car bien sûr pour ce qui est de la consommation, à part le premier jour des soldes, c’est l’inverse de la compétition.

On pourrait à juste titre s’en réjouir : car sans la compétions, la hiérarchie sociale s’ossifie, se cristallise en classes, en castes, en droit de naissance. Comme le rappelle Rawls, la compétition sociale n’est pas néfaste à condition d’être organisée au bénéfice de tous. Et c’est bien là ce qu’espèrent nous faire croire les politiques, les managers d’entreprises, sans oublier nos banquiers.

Pierre Joliot (1) attire notre attention sur quelque chose qu’on oublie systématiquement : dans une compétition, quel est le sort réservé aux perdants ? Par exemple, aux jeux du cirque du temps des romains, les perdants étaient régulièrement mis à mort : le public était d’ailleurs venu pour voir ça. Les combats de gladiateurs sont restés célèbres pour avoir été des combats à mort.

On va nous dire : tout ça, c’est des vieilles lanternes, ça n’intéresse plus personne. Quand dans une entreprise on organise un concours entre les vendeurs, c’est simplement pour stimuler la pugnacité de tous ; au bout du compte, c’est l’entreprise – et donc aussi tous ses employés – qui va être gagnante.

Très bien… Libre à vous de penser ça. Mais essayez aussi, rien que pour voir, de vous dire : et si le concours n’était fait que pour discerner non pas le meilleur, mais le moins bon de tous ? Et si même on faisait des concours non plus entre des individus, mais entre équipes, de telle sorte que, dans chacune d’entre elle, les meilleurs aient intérêt à vider les moins bons ? En bref si, dans la compétition, on ne cherchait qu’à désigner le maillon faible et à faire, comme dans cette emblématique émission, que ce soient les employés eux-mêmes ( et pas le DRH) qui virent le moins bon ( - Qu’il aille crever de faim ailleurs !) ?

Effectivement, comme le dit Pierre Joliot, ça ne porte pas l'espoir d'un avenir particulièrement radieux. Sauf à l’entendre comme Alexandre Zinoviev.


(1) Pierre Joliot-Curie est le fils d’Irène et de Frédéric Joliot-Curie, lui-même chercheur et professeur émérite au collège de France.

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