Imprudence, babil, et sotte vanité, / Et vaine curiosité,
/ Ont ensemble étroit parentage. / Ce sont enfants tous d'un lignage.
La Fontaine – Latortue et les deux canards
Il arrive à La Fontaine d’exploiter plusieurs fois le
même ressort. Ainsi de cette fable où une tortue transportée dans les airs où
elle se maintien par la force des mâchoires qui l’accrochent à un bâton, se
laisse choir sur le sol pour avoir voulu répondre à des flatteries : exactement
comme le corbeau d’une autre fable –
encore qu’il ne tombe pas lui-même mais laisse tomber sa proie.
Quatre défauts ou vices, c’est selon, sont visés
ici :
- L’imprudence : on peut en effet parler
imprudemment. C’est même le risque le plus fréquent : j’avais cité il y a
bien longtemps cette phrase de Louis XIV : Il est très malaisé de parler beaucoup sans dire quelque chose de trop.
- Le babil : abondance excessive de paroles vaines,
de propos futiles, dit mon dictionnaire. Les gens qui babillent parlent non
seulement trop, mais encore ils parlent pour ne rien dire, comme si le son de
leur voix suffisait à leur bonheur.
- La vanité : c’était déjà le défaut du Corbeau de
la fable. La vanité semble avoir plusieurs degrés, et on devine que, quand elle
est sotte, celui-ci atteint son
comble. Le vaniteux est ridicule, mais il ne le sait pas : on peut donc en
jouer sans qu’il s’en aperçoive. Ne croyons pas qu’il s’agisse là de la
conception d’une morale désuète. Comment croyez-vous que la publicité agisse
sur nous ?
- La vaine curiosité : si tout à l’heure le vaniteux
était en faute même s’il évitait la sottise, ici en revanche on peut estimer que la curiosité n’est pas un
défaut – sauf si elle est vaine. Reportons-nous à la fable du jour : la
tortue s’est mise en tête de visiter les Amériques – ce pourquoi elle choisit
les transports aériens. Voilà donc ce qu’on appelle une vaine curiosité. Comment ? Visiter les Amériques, voir maintes républiques, observer les mœurs de tous ces gens-là –
c’est donc ça manifester une vaine curiosité ?
Inutile de dire que si La Fontaine a raison, Airbus n’a
plus qu’à fermer boutique.
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