La fonction de l'artiste est fort claire : il doit ouvrir
un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui
vient.
Francis Ponge
Cette formule de Ponge me revenait à l’esprit l’autre
jour, alors qu’une dame me disait combien la société actuelle révélait de
décadence, d’échecs et de ruines, et ajoutait « il n’y a que l’art qui
puisse encore nous sauver. »
L’art, c’est ce qui reste quand tout a raté. Déjà c’est
ce que pensaient Schopenhauer et Nietzsche.
Seulement comme on admet généralement ça sans discussion,
ni surtout sans savoir pourquoi on le
dit, ça ne nous éclaire pas beaucoup. Car, avant d’opiner ou de se récrier, il
faudrait savoir ce que ça veut dire. Lourde tâche : je commence et je
laisserai des points de suspension pour tous ceux qui voudront poursuivre le
travail.
- D’abord, l’artiste c’est un type tout seul dans son
atelier, pieds nus sur le carrelage, torse nu et pantalon de toile tâché de
peinture. Ou alors un guitariste, le joint au coin des lèvres et le cheveu
hirsute. Bref, l’artiste est un créateur solitaire. Et s’il peut quelque chose
c’est essentiellement pour lui. Ne lui demandons pas de sauver la société, ni
de nous montrer le chemin. Encore heureux si en le suivant on retrouve chacun
pour soi ce qu’il a découvert.
- Ensuite, si on demande à l’artiste la voie du salut – à
l’artiste et pas au curé, par au rabbin, pas à l’imam etc… – c’est que la transcendance à laquelle on
croit, c’est celle de notre propre imagination. Rien n’est caché derrière
l’horizon et les cieux sont vides. Mais nous sommes capables de construire pour
nous même ce que Baudelaire appelait des paradis artificiels – sachant que
l’artifice c’est ce qui nous reste à vivre quand tout le reste fait défaut.
- Pour nous donner ce que la réalité nous refuse, l’art
doit créer autre chose que du réel – ne lui demandons donc pas d’embellir la
réalité. Le bonheur d’écouter de la musique ou de contempler un tableau nous
entraine loin du réel, mais non pas en le distordant. Simplement parce que ce
n’est pas le même monde.
….
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