Quand on veut gouverner les hommes, il ne faut pas les
chasser devant soi. Il faut les faire suivre.
Montesquieu – Mes
pensées
Commentaire I
Voilà un avertissement dont il faudrait bien se
rappeler : méfiez-vous de ces leaders d’opinion, de ces tribuns, de ces
chefs potentiels qui vous disent : « Je sais comment nous sortir de
ce mauvais pas où est engagé notre pays. Suivez-moi, je vous promets des jours
meilleurs ! ». En réalité, il ne veut pas vous aider mais vous gouverner.
Oui, pour gouverner les hommes, il faut les faire suivre…
C’est ce que chaque élection nous apprend, et nous marchons … derrière notre nouveau
chef, sans trop savoir où nous allons – à quoi bon d’ailleurs ? Il suffit
que lui le sache. Un peu comme pour
les convois militaires : seul le véhicule de tête connait le chemin, tous
les autres le suivent. Il suffit de nous persuader que nous sommes, comme
disait Kant, trop sots pour savoir nous diriger nous-mêmes.
Même si nous n’avons pas vraiment confiance, nous suivons
quand même le chef, mûs par un obscur désir d’abdiquer notre liberté pour le
confort de l’obéissance – comme l’affirmait La Boétie (1).
Mais, si nous laissons de côté les grégaires compulsifs
et les esprits trop facilement impressionnables, ne peut-on pas dire que pour
tous les autres, l’avertissement de Montesquieu est devenu inutile ? Que
nous savons bien ce qu’il en est des politiques, et que la compétence que nous
leur attribuons est à la hauteur de notre naïveté ?
Raison pour laquelle, les plus malins d’entre eux nous
disent : « Je ne vais pas vous conduire, je vais vous suivre. Parce
que moi, je suis déterminé à faire ce que vous voulez, et je sais à quoi vous
êtes prêts pour l’obtenir. Votez pour moi, et je serai toujours à l’écoute de votre
volonté. »
Quand on veut gouverner les hommes, il faut leur faire croire qu’on les
suit.
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(1) Cf. La Boétie – Discours de la servitude volontaire
(à lire ici)
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