La plus grande partie du corps ne parle que pour
souffrir. Tout organe qui se fait connaître est déjà suspect de désordre.
Silence bienheureux des machines qui marchent bien.
Paul Valéry – Cahiers I
La santé est la vie dans le silence des organes. (1937)
René Leriche – (1879-1955,
chirurgien et physiologiste français)
Mon foie ?... Connais pas !
Campagne
publicitaire Vichy St-Yorre (1968)
Que savons-nous de notre corps – je veux dire : de l’intérieur de notre corps ? Question
bien oiseuse, que seuls les hypocondriaques peuvent sérieusement poser. Car
pour les autres (je veux dire pour les gens normaux) le corps est – et doit
rester – en dehors du champ de la conscience. En ce moment même, sans que je
m’en aperçoive, mon estomac broie mes tartines à la confiture et mes reins
filtrent mon café au lait. Quand à mes intestins ils font plein de choses que
je préfère ignorer. Et mon cœur ? En parfait silence depuis le jour de ma
naissance il se contracte et se dilate 60 à 80 fois par minutes : un
véritable athlète qui a la modestie de ne jamais s’arrêter pour faire un tour
d’honneur.
La campagne publicitaire Vichy St-Yorre joue sur le
principe fixé par René Leriche et déjà présenté par Valéry : le corps
doit rester dans l’ombre et seuls les fantasmes des yogis peuvent l’en tirer.
Mais il n’y a pas que les sensations intimes (=
« intestines ») ; il y a aussi les perceptions visuelles – voire
même auditives. A quoi ressemble mon cœur ? Et mes poumons ? Sont-ils
jolis à regarder ou bien repoussants comme ceux qui figurent sur les paquets de
cigarettes ? Et quelle étrange expérience d’entendre son propre cœur
battre dans un stéthoscope !
En réalité, ces perceptions ne nous manquent pas, car si
elles existaient, elles induiraient un rapport externe à notre corps : on
se verrait ou on s’entendrait comme on voit un animal dans un bosquet ou que l’on
entend siffler le train (1).
Oui, ce rapport externe à notre propre corps n’est pas
naturel, un peu comme ce que raconte Roland Barthes : ayant été opéré pour
une tuberculose, on lui a coupé un bout de côte. Au sortir de l’hôpital, on lui
donne le bout d’os dans un flacon de verre : il le jette dans la rue. Dans
la rue : façon de dire que ça,
ce n’est pas lui, il préfère considérer que c’est quelque chose qui relève du
domaine public.
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(1) C’est évidemment l’expérience de l’asmathique.
Expérience douloureuse comme on sait.
3 comments:
vue sous cet enagle du silence du corps vous avez bien raison dés qu'il s'exprime et remonte à notre surface quel bordel , ou panique ou se recroquievillait .
bien vue rigolo même
je vous embrasse jean pierre
à bientôt
Quel dommage qu'il- Roland Barthes- ait jeté ce petit bout de lui! Une relique ...:)))des fois pour un petit cadeau !
Il y a un article consacré aux reliques sur Wikipédia -très intéressant...
Chez les gens hypocondriaques, c'est parfois le cerveau qui prend les commandes,il nous fait parfois mal au cœur ou au ventre...drôle de machine!
Vrai que nous nous donnons parfois bcp de mal pour préparer un joli plat,il ne faut pas penser à ce qu'il va devenir une fois consommé !
Toujours des articles qui nous interpelle avec un soupçon d'humour.
Généralement, je vous lis en buvant mon lait avec un nuage de café, comme en ce moment... NON et Non, je n'ai pas envie de savoir, de voir la vie intime de mes organes ;-) .
Bonne journée
F'(dediona 25)
C'est vrai : je n'avais pas pensé aux reliques, en rapport avec le geste de Barthes. J'ai eu l'occasion. De pratiquer le même geste, ayant été opéré (j'étais alors lycéen) de l'appendicite, la clinique m'a remis l' "objet" à la sortie dans un tube rempli de formol. Je l'ai donné à un camarade qui faisait je ne sais plus quelle collection.... Je n'ai jamais su ce qu'il en a fait, et c'est sûr qu'autrement je l'aurais mis à poubelle....
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