De Démocrite : les gens parcimonieux (= avares) connaissent le sort misérable des abeilles : ils
travaillent comme s’ils allaient vivre toujours.
Stobée - Florilège, III, XVI, 17)
Métaphore de l’abeille (suite)
Il appartenait à l’antiquité grecque de déprécier le
travail de l’abeille en le comparant au travail d’un être vicieux et absurde : l’avare.
Qu’est-ce que l’abeille et l’avare ont en commun ?
De travailler comme s’ils devaient vivre
éternellement. Tous deux amassent par leur travail beaucoup plus qu’ils ne devraient pour
satisfaire simplement leurs besoins.
Et c’est vrai : pourquoi les abeilles font-elles
tant de miel ? Je veux dire que si nous pouvons leur en prendre tant – et
nous ne sommes pas les seuls : les ours le font depuis la nuit des temps –
c’est bien parce qu’elles en ont fabriqué beaucoup plus qu’il n’en fallait pour
se nourrir.
C’est un mystère pour moi qui ne suis ni entomologiste ni
apiculteur ; et c’est un mystère également pour la pensée
grecque pour laquelle les insectes n’agissent que poussés par la nature.
Or, comme le disait Aristote : « la
nature ne fait rien en vain » : donc pas de travail qui ne soit
justifié ; et quelle justification pour le travail sinon les besoins à
satisfaire ?
Travailler sans besoin, ou au-delà des besoins, sans y
être contraint comme l’esclave, c’est aller contre une loi de la nature, et
c’est donc bien une perversion.
On voit que Rousseau se trompait qui considérait que seul
l’homme peut être un animal dépravé (1) : l’abeille l’est également et ici
la métaphore éclairante s’inverse : c’est l’homme (= l’avare) qui éclaire
la nature de l’abeille et non le contraire.
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(1) « L’homme qui médite est un animal
dépravé. » – Discours sur l’origine
de l’inégalité
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